dimanche 13 mars 2011

L'art, l'oeuvre et l'artiste

J'entends souvent comme 'vérité' communément admise que l'art n'est rien sans les masses, que ce sont elles qui déterminent la qualité artistique d'un objet ou d'une oeuvre.

Il me semble là que l'on confond deux choses bien distinctes car le pouvoir de la foule, de la multitude humaine, ne s'étend pas jusqu'à ces contrées propres à l'âme solitaire.

Qu'est-ce que l'art?

À ceci, je tenterais de répondre avec la plus grande subjectivité car il n'est point question d'objectivité (bien que l'on ne puisse que tendre vers celle-ci) en matière d'art.
L'art est un mouvement de l'âme associée au corps. Il est une cristallisation de la pensée muée en volonté. Ce qui détermine la qualité artistique d'une oeuvre c'est avant tout l'intention que l'auteur a insufflé dans son ouvrage. En quelque sorte, il s'agit de matérialiser en un objet ou une action quelconque, un mouvement de l'âme qui se donne au monde. L'art est donc toujours une perspective du monde, une fenêtre ouverte sur celui-ci.

Est-ce qu'un ouvrier peut faire de son travail une oeuvre d'art? Oui, même si l'oeuvre finale lui échappe, ce qu'il fabrique peut devenir objet d'art à partir du moment où il le pense comme tel. Si l'on s’oublie dans l'action, alors l'art prend vie.

Cependant, ce qui est de l'art pour une personne peut sans aucun problème n'en pas être pour une autre. Et c'est ainsi que nombre d'opinions divergent à ce point. Et si nous avons vu comment l'auteur d'une quelconque réalisation peut créer de l'art, il existe une autre manière d'accoucher de ce dernier.

L'art peut aussi se former dans le regard d'une homme sur un objet. Ainsi le spectateur d'un film peut y voir une oeuvre d'art grandiose alors qu'un autre n'y verra qu'un simple divertissement en série de l'industrie cinématographique. Qui a raison? Certainement les deux. L'art réside dans le rapport entre l'homme et les choses, l'homme et le monde. C'est un lien sans cesse actualisé, soumis au changement, à l'érosion du temps comme à l'apprivoisement des sens.

On peut donc parler de l'art dans un premier temps comme geste, action, puis dans un second temps comme perception, conscientisation.

Dans tous les cas, le regard d'une personne suffit à faire naître le lien artistique si subjectif. L'opinion générale rentre en ligne de compte non dans l'existence de l'art, mais dans sa vérité historique. En effet, si l'Histoire, qui s'écrit d'après le consentement de l'humanité dans toute son étendue, retient la qualité artistique d'une oeuvre qui n'en est pas une pour une poignée d'irréductibles, alors il est évident que la 'vérité' sera du côté du nombre. La multiplication des regards vient incruster plus profondément encore dans la réalité historique l'existence des choses, leur donne une épaisseur, les rend immortelles. Et pourtant, la réalité des quelques opposants n'est-elle pas aussi légitime, n'ont-ils pas eux aussi droit à exister dans leur propre rapport subjectif avec cette oeuvre? Indéniablement oui. Si une action a lieu devant 5 personnes et que le reste du monde n'en sait jamais rien, cette action aura quand même bien eue lieue pour ces 5 personnes. Elle ne s'intégrera jamais dans le livre de l'Histoire, dans le cycle de la vérité, de l'existence publique, mais elle existera à jamais dans l'esprit de 5 humains.

C'est ainsi que l'humanité dans son ensemble, donne du poids, de la vie aux choses qu'elle observe, qu'elle juge, qu'elle reconnait. La multitude témoigne et ainsi pèse d'un poids immense sur la balance de l'existence de toute chose. Mais si la violence d'une foule peut étouffer le murmure d'une seule personne, ce murmure malgré tout fut, et a crée sa réalité dans l'univers des choses.

L'art me semble indubitablement subjectif, individuel, égoïste même dans le rapport que l'homme entretient avec l'oeuvre. La vérité quant à elle, telle que l'homme la conçoit et l'utilise, sera toujours tyrannie du nombre, opinion des masses. Quant à la vérité philosophique, elle résidera à jamais prisonnière de l'éternité d'un instant, dans une temporalité abolie, loin des mots et de toute conscience, éternellement attachée à l'essence des choses et à leur être.

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