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vendredi 2 septembre 2022

Un problème de l'idéalisme transcendantal

 J'aimerais pointer du doigt ici un problème particulier concernant la philosophie kantienne de la connaissance. Si l'on prend en considération l'idée selon laquelle les formes de la sensibilité, qui constituent les conditions de possibilité de l'intuition d'objets, et donc de cet objet de tous les objets qu'est le monde, sont inhérentes aux structures transcendantales du sujet, on est alors placé face à un choix: soit il faut considérer que le sujet transcendantal est identique pour tous et que, pour ainsi dire, nous sommes tous "locataires de l'esprit", et alors il devient possible de comprendre comment les hommes vivent dans le même monde, c'est-à-dire le même espace-temps. Soit nous devons considérer qu'espace et temps sont véritablement des formes propres à tout sujet transcendantal et que, par conséquent, le monde des phénomènes est une production du sujet. Mais dans ce dernier cas, il devient impossible de comprendre comment et pourquoi les différents sujets vivent dans un monde commun qui semble pourtant lier les sujets entre eux par le milieu qu'il constitue...

La première hypothèse détruit l'idée qu'espace et temps ne sont que des formes de la sensibilité et non des choses en soi, puisque s'il existe un espace et un temps unique, commun à tous, alors on doit considérer qu'il existe en soi et non pour les sujets. Du moins il doit exister pour cette conscience universelle qu'est le sujet transcendantal qui prête aux sujets empiriques ses structures formelles. Mais par rapport à ces sujets, une telle métastructure correspondrait à un réel, à une chose en soi, qui ne dépend pas d'eux et existe indépendamment d'eux.

La seconde hypothèse pose un autre problème: puisque le monde phénoménal est inhérent à chaque sujet transcendantal, alors il doit exister autant de mondes que de sujet et il ne saurait y avoir un même monde qui parviendrait à relier, par médiation, les sujets entre eux. S'il existait il ne pourrait être alors le produit des structures transcendantales propres à un sujet (puisqu'il serait propres à tous les sujets) et on ne pourrait expliquer l'extrême étrangeté d'une synchronie telle qu'un monde commun et simultané puisse émerger de la multitude... D'ailleurs, puisque ce monde n'existe pas en soi mais pour soi, il ne saurait y avoir un même monde pour deux sujets puisque le monde d'un sujet ne pourrait exister que pour lui, sous peine d'être en soi et non plus pour soi...

Dans la révolution copernicienne, tous les sujets forment un soleil, or on comprend mal comment tous pourraient former un unique centre à partir duquel émerge l'espace-temps d'un monde objectif.

Voilà une des grandes difficultés de l'idéalisme transcendantale, malgré son extrême élégance et pertinence.

lundi 26 avril 2021

Poussière gesticulante

 Il est singulier de vivre cet état paradoxal d'avoir le sentiment de désirer une situation, la réalisation d'une certaine œuvre, et dans le même temps l'inappétence totale de mener à bien cette entreprise même. Quelle étrange tension entre l'idéalité du rêve que l'on suppose objet de son propre désir et son incapacité manifeste à devenir principe d'une action volontaire... Ne serait-ce pas que ce rêve, que nous prenons pour l'objet d'un profond désir, n'est qu'une image que l'on surimpose à l'objet véritable? Mais pourquoi donc effectuer un tel geste? Pour quel profit?

Une voie d'explication possible serait la conscience que tout objet du désir n'est que prétexte à faire perdurer l'état même de désir comme fondement de l'existence et, par conséquent, de la vie même en tant que processus biologique temporel. La conscience ainsi lucide face au leurre que représente tout objet de désir se retrouve alors face à la nécessité du désir en tant que principe nécessaire de l'existence. Ce désir nu, sans plus aucune transcendance, devient alors réflexif et ne peut plus, dès lors, que porter sur lui-même. Mais l'intelligence nous a révélé l'impossibilité d'une telle modalité du désir pour servir de fondement à l'élan vital humain en tant qu'il se vit comme une chose pour soi, c'est à dire comme puissance d'être et non pas comme être en soi, défini une fois pour toute. Il est alors d'une urgence vitale de fixer au désir un objet transcendant capable d'ouvrir le système de la conscience, de l'égo, vers une altérité qui servira précisément de principe au processus de devenir. On se fixe alors pour objet de son désir une action, un état, que l'on n'avait auparavant encore jamais réalisé, certainement parce qu'il ne constituait pas la source d'une réelle appétence, capable de contrebalancer d'autres élans contraires. Et nous voilà à poursuivre une chimère, à ressentir jour après jour une mortifère vacuité qui enfle et enfle sans jamais cesser face au constat amer de notre indétermination, de notre inaptitude à devenir l'auteur de nos rêves supposés, le héros de notre propre destinée.

Mais alors, que faire pour remédier à cela? Est-il vraiment possible de ne plus rien désirer? Même un bouddhiste invétéré désire la cessation du désir, court après quelque chose, un état toujours plus pur et autre qui le pousse à entreprendre le voyage de son inexistence. Qu'en est-il de celui qui ne souhaite pas cesser de désirer (c'est à dire mourir), mais qui ne sait pas vers quel objet porter son désir? D'ailleurs, parler de savoir en matière de désir n'est-il pas inapproprié? Le désir peut-il, tel un cancer psychique, se retourner contre lui-même? Dans quel enfer vit un tel homme?

vendredi 5 février 2021

Aphorismes de l'en-soi

 Dieu est la chose en soi.


La chose en soi n'est pour personne. Elle ne peut faire l'objet ni d'une connaissance, ni, plus généralement, d'une expérience (qui toutes deux impliquent la relation). Elle ne peut être objet.