Ne plus s'arrêter
Pour regarder les routes mourir aux quatre coins du monde
Décider l'horizon qu'on poursuivra le reste des secondes
A-t-on vraiment le choix?
On m'avait marié de force lorsque j'ai débarqué chez toi
De mon pays lointain et ses autres coutumes
Mon âme alors régie par de foraines lois
Enfila ton costume et fit de lourds adieux:
C'était une prière pour un passé posthume
J'avalais goulûment ton amnésie liquide
Faisant de ma mémoire un vase Danaïde
Toi ville que je bus comme un magma brûlant
Où je forgeai mon coeur au-dessous du volcan
Dans ta sagesse hurlante j'ai retrempé mon âme
Je suis sorti tout neuf d'impardonnables flammes
À mon destin s'accrochaient deux sésames:
Un don de comédien et la couleur du drame
Grâce au premier je m'intégrai si bien
Tu me refis alors semblable à tous les tiens
Malgré la forme étrange imprimée sur tes murs
De mon ombre aux couleurs de tourment déjà mûr
Tu m'offris une scène où répéter mon rôle
Jouer sans plus cesser à faire mourir l'enfance
Mais le bougre résiste, il faut tant de violence
Qu'alors enfin, tout ça n'est plus vraiment si drôle
Il faut être cruel pour devenir adulte
Et prendre pour la chance ce qui n'est qu'une insulte...
Débarqué dans le monde des Hommes
Encore tout titubant
Il faut apprendre à vivre
Et rire tout en doutant
Je n'ai pas su je crois
J'étais trop débutant
Mes pensées furent des poids
Qui trouèrent chaque instant
À chaque crépuscule
Que de ratures alors
Et la course au trésor
Dans d'imbuvables bulles
Mais que je me rassure
J'ai mis bien du génie
À tanguer d'un pas sûr
Sous le néon des nuits
Pour quelques sous
le sang devient liqueur
La ville sans dessous
Susurre à notre coeur
Des mots tantôt si doux
Qui bientôt vous écoeurent
Pique, érafle de tes ronces
La peau si vierge et par trop tendre
Trace sur les jeunes coeurs
Les plaies que le temps implacable ponce
Au fond du sombre abîme
Petit homme se glisse
Comme en l'habit de brume
Qui couvre les yeux tristes
Depuis tes rues de neige
Ussel j'ai tant marché
Mes pas font un cortège
Qui viennent entacher
Le wagon de l'enfance
Qu'on ne peut détacher
Moi qui croyais pourtant
Que ma vie au complet
N'avait été que fuite
Je contemple étonné
Le grappin des couplets
Qui jettent tant de ponts
Vers un passé sans suite
Qui malgré tout répond
Déçu? Peut-être
Au fond qui sait
Si les chemins abandonnés
Ne sont pas là pour ça
Fenêtres qui éclairent
Les possibles reniés
Perspective éphémère
Sur nos éternités
Ussel...
Curieux comme ce nom sonne lointain
Évoque la musique de royaumes anciens
J'ai traversé tes glaces comme un déporté
Mais d'aucuns de tes fils m'ont appris à t'aimer
Je languis par moments
Le reflet de tes cieux
Que récoltaient antan
L'escarcelle des yeux
Assis dans le présent sans âge
De ce train pour Limoges
Tout contre la fenêtre
Et comme un lourd présage
Je rêvais d'exister
Sans plus avoir à être
Je me désaisissais de moi
Comme d'un lourd bagage
J'étais heureux je crois
D'être passager clandestin
De mon propre voyage
Oh je pouvais enfin
Contempler le mirage
D'un temps que rien n'atteint
Et qui nous dévisage
En moi je souffle alors
L'haleine attendrie de ces songes
Dessine sur l'oblong hublot
Qui ouvre sur l'aurore
Ce petit mot précis
Qu'encore j'interroge:
Ussel
"Le bonheur c'est pas grand chose, c'est juste du chagrin qui se repose" Léo Ferré
mardi 23 octobre 2018
lundi 22 octobre 2018
Le Schnapps
Il est mort l'indien
Avec un vers au coin des lèvres
Et son destin de rien
Emplit le cadre d'une brève
La vie est un vrai tord-boyau parfois
Un genre d'interminable gueule de bois
Qu'un vers ou deux n'essuieront pas
Il est mort l'indien
Cent mille verres au bord des lèvres
Et sa douleur au creux des reins
Que devrais-je dire aujourd'hui. J'apprends tout juste que nous partagions, sans le savoir - mais que savais-je alors -, l'amour des mots qui chantent. Ton coeur rapiécé portait en lui des poches pleines de ces mantras de solitaire qui savent mieux que la brûlure du schnapps ôter du coeur un long hiver.
Les dieux usent des hommes comme des pantins, l'adolescent en série que j'étais ne voyait que ta gueule de bois, sans jamais soupçonner la nature musicale du cours de tes pensées. C'est qu'à Ussel, les feux brûlent à l'abri des regards, au fond des cheminées, perdus dans les chaumières entourées de forêts.
J'aurais du prendre garde au vieux clochard, me douter que seul d'un abîme pouvait jaillir l'azur d'un tel regard. Je garde ta couleur dans mon précieux bouquet et tire la leçon de mon erreur passée.
Avec un vers au coin des lèvres
Et son destin de rien
Emplit le cadre d'une brève
La vie est un vrai tord-boyau parfois
Un genre d'interminable gueule de bois
Qu'un vers ou deux n'essuieront pas
Il est mort l'indien
Cent mille verres au bord des lèvres
Et sa douleur au creux des reins
Que devrais-je dire aujourd'hui. J'apprends tout juste que nous partagions, sans le savoir - mais que savais-je alors -, l'amour des mots qui chantent. Ton coeur rapiécé portait en lui des poches pleines de ces mantras de solitaire qui savent mieux que la brûlure du schnapps ôter du coeur un long hiver.
Les dieux usent des hommes comme des pantins, l'adolescent en série que j'étais ne voyait que ta gueule de bois, sans jamais soupçonner la nature musicale du cours de tes pensées. C'est qu'à Ussel, les feux brûlent à l'abri des regards, au fond des cheminées, perdus dans les chaumières entourées de forêts.
J'aurais du prendre garde au vieux clochard, me douter que seul d'un abîme pouvait jaillir l'azur d'un tel regard. Je garde ta couleur dans mon précieux bouquet et tire la leçon de mon erreur passée.
mardi 16 octobre 2018
Le ruban déchiré
Sur la bordure ébréchée d'un mur, je marche comme sur le fil aiguisé d'une lame surgie du néant. L'iridescence d'une goutte de rosée me renvoie ses reflets chromatiques. Je suis quelque part, en villégiature, empaqueté d'un long bruissement de verdure. Ma vie n'est que le bruit du vent qui passe et fais se mouvoir les feuilles mortes qui d'un souffle renaissent. Je m'en vais moi aussi, virevoltant ça et là, papillon-chien sans laisse, s'abandonnant au temps. Tout n'est que bruit, et le silence que je m'invente n'est que l'absence d'autres bruits sur le fond incessant de celui qui me suit. Ce son que j'entends tout au fond du silence, me fait comme un sillage où s'effacent mes songes. Sur la grève du réel, après la marée haute, on pourra bien se demander: "quelque chose est passé?"
Je m'adapte assez mal au réel, j'ai tant besoin de répéter. Que ne m'a-t-on formé avant l'entrée en scène... J'aurais eu plus de panache, du moins aurais-je su comment mieux l'exprimer. Mais non je marche tant bien que mal sur mon fil aiguisé, l'hélice de mon destin comme une ligne lâche entre deux incertains. Je suis digne d'être nommé lâche, sinon j'aurais déjà sauté. Indigné d'être un homme hélas il me faut exister... L'enfant qui laisse chuter de ses poches tous ses charbons de rêves, n'est qu'un arbre sans sève. Il fallait sauter petit, mais c'est trop tard, tu as trop insisté... Épris de ta misère, tu n'as pas su sauter... La peur, comme un sirop d'érable t'as vite siroté. Par quelques gesticulations inesthétiques, tu as tenu coûte que coûte sur le fil indocile de l'existence humaine. Les mots, sais-tu, font de piètres habits, ils sont le vêtement de celui qui trop ment. Ce ne sont pas trois arabesques noires sur fond blanc, qui nous feront accroire que tu ne fais pas semblant. Tu as la forme humaine, trop humaine. Celle des erreurs, du manque de volonté, cette délinéation vilaine d'un ruban déchiré.
Le ruban vole au vent, chaque morceau miraculeusement relié, ne tenant qu'à un fil, au reste du bandeau. Tandis que les premiers morceaux, lentement s'effilochent, les Moires viennent rajouter un peu plus de tissu. Les couleurs se font plus tristes, les motifs monotones, mais une Clotho insatiable arrache du néant le gris de ton présent. Encore, encore... Mais une couleur essentielle manque au vieux vêtement, les tons sont bien trop pâles, tu n'es qu'un mort vivant. Encore, encore... Pourtant c'est bien assez non? Ne vois-tu pas que quelque chose est mort depuis l'ultime aurore?
Sur la bordure ébréchée d'un mur, le soleil comme un projecteur cruel dessine ce vain contrefort: l'ombre déchirée d'un corps sans âme, la tragédie d'un crépuscule.
Je m'adapte assez mal au réel, j'ai tant besoin de répéter. Que ne m'a-t-on formé avant l'entrée en scène... J'aurais eu plus de panache, du moins aurais-je su comment mieux l'exprimer. Mais non je marche tant bien que mal sur mon fil aiguisé, l'hélice de mon destin comme une ligne lâche entre deux incertains. Je suis digne d'être nommé lâche, sinon j'aurais déjà sauté. Indigné d'être un homme hélas il me faut exister... L'enfant qui laisse chuter de ses poches tous ses charbons de rêves, n'est qu'un arbre sans sève. Il fallait sauter petit, mais c'est trop tard, tu as trop insisté... Épris de ta misère, tu n'as pas su sauter... La peur, comme un sirop d'érable t'as vite siroté. Par quelques gesticulations inesthétiques, tu as tenu coûte que coûte sur le fil indocile de l'existence humaine. Les mots, sais-tu, font de piètres habits, ils sont le vêtement de celui qui trop ment. Ce ne sont pas trois arabesques noires sur fond blanc, qui nous feront accroire que tu ne fais pas semblant. Tu as la forme humaine, trop humaine. Celle des erreurs, du manque de volonté, cette délinéation vilaine d'un ruban déchiré.
Le ruban vole au vent, chaque morceau miraculeusement relié, ne tenant qu'à un fil, au reste du bandeau. Tandis que les premiers morceaux, lentement s'effilochent, les Moires viennent rajouter un peu plus de tissu. Les couleurs se font plus tristes, les motifs monotones, mais une Clotho insatiable arrache du néant le gris de ton présent. Encore, encore... Mais une couleur essentielle manque au vieux vêtement, les tons sont bien trop pâles, tu n'es qu'un mort vivant. Encore, encore... Pourtant c'est bien assez non? Ne vois-tu pas que quelque chose est mort depuis l'ultime aurore?
Sur la bordure ébréchée d'un mur, le soleil comme un projecteur cruel dessine ce vain contrefort: l'ombre déchirée d'un corps sans âme, la tragédie d'un crépuscule.
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