dimanche 6 septembre 2015

L'inqualifiable transition

L'éclair de givre des jours oeuvrés se plante dans mon coeur mais il n'a plus la même froideur qu'avant, celle qui me glaçait du corps à l'âme et me laissait exsangue, dépossédé de ma sève sur l'autel du travail. J'accepte la brûlure qui m'affecte et tente désormais d'exister en son sein. Malade, fatigué ou neurasthénique: je m'exprime. Je m'exprime dans ma vie à travers les gestes esquissés, à travers mes regards et mes respirations, à travers ma façon d'être présent. Ma véritable oeuvre c'est ma vie et ce quotidien qu'auparavant j'abhorrais, et dont aujourd'hui je me sers comme d'une toile où s'imprime la calligraphie de mon âme, mes aspirations modestes et impossibles, dans un accord de couleurs et de sons.

J'existe de toute l'étendue de mes états, je n'ai plus peur d'exister, d'offrir mon rythme tel qu'il est.

Tout change, et la richesse de mes formes passées compose la simplicité complexe de mon présent, de cette lente et parfois vertigineuse transformation qui fait le monde aussi impermanent et indéterminé que moi. Dans ma mémoire dort, profondément enfoui dans on ne sait quel non-espace, le livre de mes jours, le poème qu'imprime en moi, par mon regard, le flux diapré des jours. Peut-être un jour celui-ci sera extirpé puis exposé à d'autres yeux, d'autres oreilles et d'autres sens; et l'on verra alors dans quelle poésie ineffable se baignait mon existence, on comprendra la douleur d'un homme lorsqu'il prend conscience que nul moyen d'expression n'a la substance nécessaire à l'expression de cette vie.

Le feu de mon âme, plus proche état connu du néant primordial, là où l'énergie ne prend encore aucune forme, dans l'anti-chambre de toutes choses, ce feu s'ébat désormais en toutes pièces traversées. J'ensemence de mon souffle toutes les cages matérielles qui voudraient le contenir, je n'ai plus peur, je suis la chose qui traverse les formes et n'a ni intérieur ni extérieur car elle en est la pure et inqualifiable transition.

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