samedi 8 mars 2014

L'âme en chantier

J'ai parfois, en surimpression, comme une présence fantomatique dans le champ de représentation de mon âme, l'intuition d'un visage; moins qu'un visage, d'une paire d'yeux aux sourcils broussailleux et démesurément vastes, entourés de profondes rides que seules des millions d'années me semblent avoir pu creuser.  Il me semble voir en cette image le moi transcendantal, le JE du "je suis moi", ma source. Deux yeux plissés par l'âge, cet air bourru de ceux qui ont tout vécu, au désespoir surmonté, flegmatiques, conscients qu'ils seront de toute façon toujours là. Pourrions-nous réellement avoir eu plusieurs vies? Pourquoi dans ce cas ne nous souviendrions-nous de rien, par quelle cruauté un tel sort nous serait-il réservé? Au moment même où je sécrète cette pensée, un souvenir semble se peindre sur les murs de mon esprit: j'ai connu la guerre, dans l'armée napoléonienne, les larmes me viennent aux yeux (pas grave je suis seul); quel est donc ce souvenir? N'est-ce qu'un phantasme? Cette douleur qui m'étreint et me fait comme comprendre ma crainte face à la violence gratuite n'est-elle qu'une illusion, celle du comédien possédé par son rôle?
J'ai connu la guerre, peut-être...

Je suis tellement ancien.

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