mercredi 12 mars 2014

L'âme en chantier

La philosophie ne doit plus bâtir de religions, elle ne doit plus s'enfermer dans sa haute tour imprenable, tellement haute qu'il faut aux hommes une vie entière avant de parvenir au sommet, et qu'une fois là-haut, ils sont exténués, tournent en rond et ne font que répéter ce qu'ils ont vu durant l'ascension. Voilà ce qu'il en coûte de ne donner la parole qu'au spécialiste, celui qui a avalé, patiemment ou non, l'ensemble des savoir de son domaine. Illusion d'un savoir clôt sur lui-même en philosophie, discipline qui pourtant n'est que la synthèse de toutes, réalisée par la logique. Etudier la philosophie n'est qu'un long apprentissage religieux, on y apprend des dogmes qu'il faut savoir répéter par cœur, les universités ne sont rien moins que des madrasa où les étudiants psalmodient sur des feuilles blanches ce que les grands prophètes ont inscrit de leur passage ici-bas. Loin de rejeter en bloc la spécialisation, je suis conscient de ses apports, je rejette cependant l'obligation de ne prendre la parole qu'après avoir supposément pris possession de la montagne de savoirs que constitue une discipline épistémique. Savoir n'est pas comprendre et la création du savoir est un long processus qu'il faut entreprendre dès le départ. Mais nous préférons diviser en catégories abstraites le chemin de l'homme: remplissage d'abord, c'est à dire une certaine forme de passivité, comme si l'homme n'était rien; puis régurgitation ensuite, et éventuellement, création, s'il reste quelque chose de cette source dont nous jaillissons tous.

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