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vendredi 12 février 2021

Quanta ontiques

 J'ai de toute évidence -- mais n'est-ce pas le cas de tout un chacun? -- plusieurs personnalités en moi. Mais peut-être devrais-je plutôt parler de couleurs ou d'harmoniques puisqu'il s'agit bien de notes présentes en mon accord du moment... Cela dit, il m'arrive d'agencer tout cela de telle manière que la fondamentale change, et c'est alors toute la résonance de mon être qui varie, et je deviens comme enfermé dans une de ces notes qui, pour n'en être pas moins présente auparavant, demeurait alors récessive. Je suis parfois terrifié de cet exil à moi-même, non parce que je m'y perdrais -- je reconnais tout profil possible comme le mien -- mais pour la violence et l'incompréhension de cette soudaine perte chez ceux avec qui j'ai eu la faiblesse et l'irresponsabilité de tisser des liens d'amour. Car alors, comment comprendraient-ils l'apparition de ce nouvel individu, ce nouvel équilibre, qu'ils n'avaient jamais perçu auparavant...

Je suis comme la lumière blanche: la somme de toutes les couleurs qu'une âme peut revêtir. Mais il faut préciser ceci: certaines teintes ne me sont pas naturelles et je ne peux les maintenir dominantes que pour un temps limité et par un effort continu. Tel un électron, j'ai moi aussi mes niveaux d'énergie, mes quanta loisibles, autour de cet abîme de noyau.

vendredi 7 février 2020

Ce que les autres semblent

Honnêtement? Je ne me souviens plus à quel âge je l'ai perdue...

C'était peut-être en quittant le pays, oui... Ça doit être à ce moment là. Je me souviens comme les journées ressemblaient à la nuit là-bas. Je me souviens ce que cela fait d'être étranger à sa culture d'accueil, de n'en pas comprendre les coutumes, de n'en pas apprécier les goûts, et de scinder son âme en deux parties. Il est vital qu'une part de soi continue à vivre...

Honnêtement, je ne me souviens plus de l'âge mais néanmoins de chaque instant, de chaque seconde, de chaque atome de temps écoulé.

Ça me fait toujours un peu sourire les gens qui prennent une mine contrite lorsqu'ils évoquent un passé douloureux, j'ai toujours eu l'impression qu'ils jouaient un rôle, faisaient marcher les neurones miroirs qui font que l'on singe les comportements collectifs jusqu'à ne plus s'en rendre compte. Eh quoi, le passé est révolu, si vous racontez cela depuis le lit d'une humeur équanime quel besoin de jouer la tristesse...

Je me souviens donc de tout cela: du froid de glace qui couvrait la chaleur survivante, des jours gris qui rendaient chaque mur, chaque angle, toute forme sale et angoissante. Je me souviens des forêts sombres qui m'isolaient dans le présent insulaire, comme un naufragé de l'exil qui s'échoue sur un rivage malvenu.

Je n'avais que des shorts et des bermudas dans ma garde-robe qui ne servaient à rien ici. Avec mon look de surfeur au teint hâlé, j'entrais sur la scène comme un arlequin dans un film en noir et blanc. Un film dans une langue originale, qui n'était pas la mienne bien qu'elle en empruntât les mots et les phonèmes. Mon accent se dissolvait au contact de ce bain linguistique forain et hostile, ridicule et comme arriéré.

Il fallait se déshabiller de soi, ce soi qui n'est au fond qu'un tas de fringues que l'on enfile depuis tellement longtemps qu'on ne l'identifie plus comme tel, qu'il est devenu peau. Il fallait enfiler le nouveau costume, apprendre son texte comme on dit et porter haut le masque. Y a-t-il seulement quelque chose de neuf dans ce processus? La vie sociale n'est-elle pas invariablement ce même cheminement d'intégration forcée qui mène chaque humain à se faire un reflet, quand bien même anamorphique, de tous ceux qui l'entourent?

À un moment donné on ne se donne même plus la peine d'enlever ses habits pour dormir. On se couche ainsi, on devient peu à peu ce que les autres semblent et ce qu'au fond jamais nul n'est.