mercredi 15 octobre 2014

Un monde qui devient

On dit que l'automne est mélancolique, comme on dit qu'un "tiens" vaut mieux que deux "tu l'auras". On dit tellement de choses que par moments je me demande pourquoi je continue à dire. "Rien" serait une parole suffisante, voire même de trop. Il me suffirait de marcher le long de l'océan et regarder les vagues se briser, métaphore de mes pensées, de mes désirs et de mes rêves. Certaines parfois remonteraient jusqu'à mes pieds, un mouvement un peu plus intense que les autres qui parviendrait à m'atteindre. J'aurais naturellement un mouvement de recul, craignant de finir trempé, voire englouti par cette lame de fond qui ne fait que lécher mes pieds.

Je pourrais me contenter de cela et pourtant je l'écris. N'est-ce qu'un redoublement de l'expérience ou bien précisément une nouvelle expérience que je crée? Je suis un arbre à mots, mes poèmes sont des fruits que ma vie comme un terreau alimente.

J'aimerais n'être que cette lente marche côtière, douceur sablée de mes pas trop lourds, sillon humain sur le réel inhumain. J'aimerais n'être que ce ressac que je perçois par divers sens. Je suis la synthèse de ces sensations, le ressac pourrait bien être moi et moi qu'une sorte de synonyme de chaque expérience.

Je ne sais que dire, ni que faire. J'hésite et tout ce qui sort de moi ce sont des mots. Parfois un mouvement, je marche comme j'écris, lentement, sans hésitation mais sans but non plus, je marche comme si marcher était une parenthèse dans la vie laborieuse, parenthèse qui me semble pourtant l'essence même de la vie. Chaque fois que je quitte une pièce et déambule dans les rues, c'est un poème qui s'échappe, ravalé par l'océan du possible comme une vague que la plage refoule.

Je suis écrivain comme je suis marcheur solitaire: par goût et par habitude. Il me semble que j'aime la simplicité des expériences car cette simplicité de surface me laisse le temps de plonger dans l'épaisseur du vécu. Chaque expérience simple: une sucrerie, un bouquet de saveur qui éclate et se métamorphose longtemps après. Si je suis sans projet c'est que le passé en moi s'étire durablement, il s'étend si loin, je le suis jusqu'au bout, au bout de ses effets qui n'ont pas de fin. Vie contemplative: on continue d'observer jusqu'à ce qu'une fin advienne mais nulle fin n'advient jamais, c'est le même écoulement, encore et toujours. Rien ne met fin au mouvement de la mer: le même océan est le berceau de toutes les vagues brisées. Il en va de même pour la vie: l'effet des choses est sans fin et je me plais à marcher au bord de cet océan, dévorant paisiblement du regard ce processus intarissable, l'exécution absconse d'un monde qui devient.

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