mardi 14 octobre 2014

Prison dorée

Voilà que la vie se dévoile et ses dessous de mort
Tant il est vrai que vivre c'est mourir un peu.
Du crépuscule à l'aurore, c'est toujours la même unité
Qui s'ouvre sans complexe
Sur de multiples chemins.
On s'éclate dans les jours naissants
Pour finir au soir dispersé,
On se ramasse la nuit tombée
Puis on scintille à midi
Fuyants comme des rayons solaires.
Du deuil à la naissance
Rien qu'une ombre filante
Des années que l'on souffle
Comme une poignée de bougies.
Il aura fallu vivre
Chaque jour croître un peu
Puis enterrer les rêves:
Sur la Terre fraîchement remuée,
Arbustes et plantes ont poussés.
Eux aussi sont tombés là par hasard
Et chutent vers le ciel
À l'inverse de nos corps
Qui s'en vont à la terre.
Sisyphe:
Tout ici,
Du brin d'herbe au vieil homme,
Même poids à traîner.
Et la causalité partout qui s'amuse
À tenir de ses chaînes
La nature au complet.
Causalité partout sauf pour toi:
Humain oublié cherchant l'Origine.
Rien de ce qui vit ne sait
Ni comment ni pourquoi
Tout cela a commencé.
Danaïdes, nous remplissons
Pour l'éternité
Le tonneau de la vie.
La vie qui partout se répand
Sur la terre,
Sur les eaux,
Sur nos sexes,
La vie qui nous traverse
Et nous laisse usé,
Exsangue, désabusé:
Ici les plaisirs sont des deuils
Et chaque jouissance
Se paie comptant.
La causalité nous a oublié
Le repos aussi,
Tout devient mouvement
Local, sans direction.
On bouge,
Tourne,
S'agite,
Retourne,
Tout s'échauffe,
Se frictionne,
Chaleur
Et... PAF!
Causalité s'invite
Et frappe de ses chaînes
L'ensemble du monde.
Dans quelques lointaines galaxies
Une onde faible
Viendra signaler notre mort.
Le vivant est passé,
Tel une étoile trépassée:
Supernovae.
Ceux qui restent comptent les morts
S'amassant sous leurs pieds:
On marche sur les cadavres:
L'humanité un champ de ruines.
Que nous ont laissés
Les pères et les mères?
Les mêmes questions éculées
Mal posées,
À jamais sans réponse.
Il nous reste tout de même
Le souvenir des religions
Et pour les plus sceptiques
De merveilleux palais métaphysiques.
Nos âmes dorment
À peu près tranquilles
Dans ces églises d'un autre temps.
Dehors pourtant,
Tout gronde,
Tout conspire.
L'illusion d'une cause première
Est une commode muselière
Que d'aucuns rejettent violemment.
Des hommes nouveaux
Vivent dans le doute
Suspendus et indéterminés
Mesurant toute leur infinité.
Que faire?
Rebrousser chemin?
Remonter le flux à contre-courant?
Sauter dans les ventres des mères
Redevenir une promesse
Puis un langage codé
Dans des brins d'ADN?
Signes d'une Origine,
Textes abscons
D'un auteur introuvable.
Sisyphe dorénavant
Parcourt le vide
Des espaces infinis
Des silences éternels.
On se prend à douter:
Peut-être les anciens avaient-ils raison?
Notre vie est l'expiation d'un odieux péché
Qui aurait donné naissance à notre engeance:
Nous, douleurs d'un coup du sort,
Douleur agonisante de n'être que douleur
Sans pourquoi ni rémission.
Ordalie:
Toi chaos tu chercheras l'harmonie
Que tu paieras de ton temps,
De ta sueur,
De tes larmes.
Et nous payons bougre d'âne!
Nous payons sans fin,
Pour un moment de grâce,
Un instant de répit,
Atone,
Apathique.
Toutes ces secondes égrenées
Sur le sentier de nos vies,
Secondes enfuies qu'on ne retrouvera plus.
De toute façon ces secondes n'existent plus:
D'une multitude le présent fait table rase,
Nous revoilà unis,
Ramassés dans l'évanescence du temps
Amnésiques et sans futur.
Il n'y aura pas de fin,
Pas de but.
Causalité demeure silencieuse
Sur nous jamais ne dit mot.
D'autres chaînes pour l'humain,
Plus subtiles, plus éthérées:
La conscience
Est une prison raffinée.

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