mardi 10 janvier 2012

Monologue

Je fais les dialogues tout seul dans ma tête. C'est marrant ça, comme j'aime me parler à moi-même, peut-être plus qu'à n'importe qui d'autre. Surtout là, quand je m'ennuie de ma fainéantise, qu'elle se confronte à mes aspirations de grandeur, de chefs d'oeuvre artistiques. C'était probablement pour ça le virtuel: la puissance illimitée, infinie, le déclic instantané de l'automatisme qui cache l'immense travail, la liste interminable d'actes insignifiants. J'ai du mal à dormir les soirs de presque pleine lune. Allez savoir pourquoi? J'attends ma femme, heureusement qu'elle est là, les jours où je ne me supporte plus. Je suis un artiste de la vie peut-être, c'est donc ça mon talent! Il me suffit de vivre et puis l'art naît, de chacun de mes gestes, de chacun de mes choix. Mon chemin dans le néant possède sa propre douceur un peu folle. La beauté mystérieuse de ce qui n'a pas de sens. Les autres ont une direction, il semblerait en tout cas. J'aime à croire que je ne suis pas comme eux, un électron libre dans leur immense jeu universel. Et des mots à n'en plus finir qui sortent de mon âme, qui jaillissent du bout de mes doigts mais jamais ne forment une oeuvre, trop fatigués pour ça, trop satisfaits aussi. Une oeuvre... Pour quoi faire? Mais c'est ça l'oeuvre, toutes ces pensées, ces étincelles qui jaillissent de l'ombre. L'esprit, réacteur d'énergie. La conscience, méta-énergie qui s'observe dans le silence du langage. Parce qu'au final c'est ça que l'on est, une forme d'énergie particulière. Qu'est-ce qui nous meut? Qu'est-ce qui nous fait penser? Alors que sont donc nos pensées si ce n'est de l'énergie? Notre conscience, notre langage et tout ce qui nous caractérise et nous permet d'être au sens cartésien, tout cela c'est un jeu d'énergie dont les règles nous échappent. On appelle cela le chaos. Parce qu'on ne sait même pas ce qu'on est. Si de l'énergie! D'accord mais c'est quoi l'énergie? J'avais posé la question à ma prof de physique au collège pendant un cours sur les circuits électriques. Elle n'en finissait plus de nous abreuver de notions ineptes, je ne comprenais rien parce qu'il n'y avait pas de fondement à ses propos. L’électricité oui mais c'est quoi? De l'énergie, d'accord. Et l'énergie c'est quoi madame? On ne sait pas... J'avais décidé à cet instant de l'inutilité totale de la professeur ainsi que de son cours. Incapables tout deux de m'apprendre la seule chose intéressante de leur matière, la réponse à toutes les questions qu'ils développent en long en large et en travers.

Devenir un professeur moi? Et pour enseigner quoi? Les mêmes sornettes? Apprendre aux futurs hommes à continuer à jouer avec ce qu'ils ne comprennent pas tout en étant convaincu qu'ils maîtrisent? Qu'ils savent ce qu'ils font? Professeur de chaos à la limite je veux bien. On parlerait avec les élèves et je ne leur dirais jamais qu'ils ont tort. De toute façon il n'y a pas de pensée juste, d'idées plus proches de la vérité que d'autres puisqu'il n'y a pas de vérité. Alors on exposerait chacun nos opinions, jusqu'à l'absurde. Jusqu'à ce que celui-ci nous frappe de plein fouet et qu'enfin alors nous acceptions de perdre toutes nos croyances, ou du moins qu'on les voit comme telles. Alors j'aurais l'impression d'être un professeur "utile". Un professeur qui apprend qu'on ne peut rien apprendre, qu'on peut juste avancer mais que reculer est aussi une manière d'avancer qui n'a pas moins de valeur. Un professeur qui montre son chemin et qui observe ceux de ses élèves en leur disant que tout ce qui compte, peut-être (toujours peut-être car on n'est sûr de rien, peut-être), c'est de mettre un pied devant l'autre et ne pas regretter. Il n'y a rien à regretter de toute manière pour un aveugle qui avance car il n'y a rien à prévoir, rien à anticiper. Tout ça c'est bon pour les professeurs de physique, de mathématiques, de biologie, tous ces techniciens ignorant tout de leur terrain de jeu.

Professeur de chaos, une belle idée, comme toutes les autres...

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