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dimanche 9 septembre 2018

Bientôt...

Il n'y a plus rien pour me guérir de ce destin manufacturé, ni les poèmes, ni la musique, ni quelque drogue inconnue ne suffiront à me guérir de mes semblables. Telle une terre souillée par les engrais chimiques, une terre qui s'éteint, j'exhale un désespoir nocif dans ma cellule à crédit. Du moins ne fais-je de mal à personne d'autre qu'à moi-même...

Les jours s'enchaînent telle une suite infinie d'humiliations quotidiennes, la vie de l'employé s'étale monochrome et bien rangée, comme des rails se perdant au loin d'un futur indifférencié. Il faut partir me dis-je, partir et ne jamais revenir au pays où les humains ont naturalisé la servitude, et se réjouissent même qu'on leur dise où aller et que faire du lever au coucher d'un soleil bénévole. Qu'est-ce que je partage encore avec ces gens? Avec leurs pensées? Leurs convictions, leurs croyances qui se sont phénoménalisées sous la forme d'un monde injuste où chaque vie n'a de valeur que par l'énergie qu'elle applique à se vendre au projet toxique de la civilisation.

Que me retient donc de prendre ma guitare et d'aller par les rues en jouant, espérant récolter quelques pièces, afin d'acheter à des chaînes de grande distribution une nourriture délétère et quelques litres de Styx vendus en canettes... Je pourrais déclamer mes poèmes et peut-être quelqu'un entendra, peut-être que se phénoménalisera aussi cette intériorité que je traîne comme une planète extravagante et exotique au sein du territoire où je suis détenu...

Peut-être me faut-il descendre encore plus bas dans les sous-sols du désespoir pour renoncer véritablement à faire miens ces dogmes qui me font souffrir et dont la logique si vulgaire me retourne de l'intérieur dans une sourde révolte qui s’émiette en quelques mélodies et songes musicaux. Descendre encore plus bas, à la limite extrême, où se développent les maladies modernes, les cancers et autres dégénérescences. Le monde s'est immunisé contre l'injustice, les gens ne la ressentent plus. Je pourrais avaler des pilules et vire heureux parmi eux, probablement, mais je préfère sentir la douleur qui se fait jour après jour de plus en plus vive, je préfère entendre et sentir me faire vibrer les entrailles le hurlement de mes cellules, la complainte en mineur de mon âme assaillie.

Bientôt je partirai d'ici, et je n'aurai pas honte! Je vivrai bohémien, me priverai de tout, comment cela pourrait-il être pire que de se voir ôter toute dignité, comme un chien en cage à qui on apporte tout de même de quoi manger; parfois un vieil os à ronger, afin qu'il supporte d'endurer ce destin, avec suffisamment d'espoir en poche pour garder la curiosité de prolonger son souffle jusqu'à l'aube prochaine.

mardi 21 août 2018

L'horizon en boîte

Je me suis souvent demandé ce que les gens trouvent aux boîtes. On y enferme nos trésors ou bien des babioles inutiles. D'aucuns chérissent les boîtes, et j'ai parfois l'impression d'en être moi-même une. Comme si tout ce que je renfermais n'étais pas vraiment moi, tout juste objets placés au-dedans, dans l'espace vacant de mon identité. Je n'ai jamais eu le goût des contenants. Les choses n'ont pas besoin d'être rangées, elles sont bien où elles sont. Telle chanson que j'ai écrite dans le champ phonique, tel poème dans l'instant qui l'a vu naître.

Où peut-on bien ranger les boîtes? Et sont-elles aussi des choses substantielles, qu'il faudrait alors placer dans un rangement quelconque propre à les contenir?

La quête d'identité est la construction effrénée d'une cage pour enfermer une cellule où repose une boîte crânienne, contenant d'indéfinies prisons aux portes closes mais pas toutes verrouillées. Et derrière chaque porte une cellule sombre ou bien illuminée, où quelque boîte contient une cage enfermant une boîte...............................

L'identité tel un tableau fige la vie dans son cadre. Je passe parfois un temps fou à promener mes songes dans des galeries où sont pendus aux murs des cadres à n'en plus finir. A l'intérieur du cadre un miroir, et toujours un reflet qui n'est rien, rien qu'une imperfection que je m'efforce de gommer, rien qu'un immense chantier de promesses.

Comme si l'on pouvait construire un horizon d'horizons, et promettre à l'aurore de nouvelles promesses...

dimanche 6 mai 2018

Ce que la mer reprend



Au-dehors les montagnes, les falaises aussi hautes que les âmes, et tout ce peuple aérien qui s'ébat dans le vent, mes trois princes persans tout criblés de crevasses.

Et les cimes se désagrègent, s'effondrent dans la mer, et nos voeux oniriques, doux si doux tantôt, s'abandonnent à l'amer.

Il n'y a plus rien à désirer, et tous les songes sont des mouroirs, où passent les secondes qu'une révolte féconde aurait pu faire valoir. Mais dans la lucarne d'un rêve, ou celle d'un écran, s'écoule en vase-clos la sève, et s'évade le temps.

Nous en soupons des désirs manufacturés, qui pèsent plus lourd qu'un million de pavés. Je parle de ceux que nous ne prendrons plus dans nos mains, mais que nous avalons tous les matins, et qui nous appesantissent à l'illusoire nécessité de ce triste destin.

Là-bas, sur la grand mer où tout s'unit, je vois les grands navires de mes vaisseaux amis - mais les ennemis sont des amis qui se trompent d'ennemis - se perdre jusqu'à l'horizon et recouvrir les flots de leurs bannières unies. Qu'avons-nous fait... Tous attendant le retour du roi, badauds à quai qui cherchent leurs idées.

Les idées ça se broute, et on en a brouté, juste à coté de là où paissent les vaches, nous existons aussi dans une sorte d'élevage. Les princes sont partis, nous sommes à la merci.

Il n'y a pas le choix peuple de la mer, tu as toujours été de terre, tes voiles te font face et flottent au gré des vagues mais tu es sans bateau. Tu savais choisir autrefois, mais aujourd'hui tu élis d'autres rois, qui taillent ton royaume à la mesure d'une cellule. Entre les barreaux de la loi tu passes ta tête résignée, et rêve du dehors. Celui-là même que tu peins sur les murs qui t'entourent, et les images animent la surface d'écrans qui sont autant d'autres cellules où tu t'encastres plus avant.

Les montagnes sacrées se dissolvent et retournent à la mer. Tout est sortie de son sein, par un verbe et une volonté n'étant nullement divins. Il suffit d'un seul choix pour que la forme advint, mais aujourd'hui la mer va tout reprendre enfin, et sur un palimpseste d'ondes tout recommencera. Elle attendra pour ça que tes arrière-arrière-arrière petits enfants se souviennent alors, de l'impondérable trésor qu'un jour tu oublias...

Pendant ce temps s'ourdit l'humain nouveau: horde de golems démoulés des labos, arpentant les sentiers meurtris de la Terre comme une armée de mouches autour de la blessure. Et toute la cohorte glacée de ces produits de l'ombre chanteront la gloire d'un Dieu polymorphe et dénué d'odeur. Infertiles êtres n'enfantant que la mort, cette mort qui nous fait si peur, mais qui n'est que pourtant, la possibilité des vies.... Et d'autres vies viendront.

Mais tandis que je cherche mes mots, comme on sonnerait des consciences, certains quêtent le prochain milliard, avec une seule et grosse main dans six milliards de poches. Dans mon sous-terrain personnel, au chaud de mon métro, j'observe vos regards qui se détournent sur l'innocent voisin. Le voleur est toujours celui qu'on a sous les yeux, c'est toujours le voisin - sinon qui donc bien accuser? Et nous poissons malins, nageons dans les eaux troubles, où pissent les pêcheurs sans fin qui percent nos chairs affamées de meilleurs lendemains.

Dans la débâcle qui fait tout pour s'ignorer, j'en vois qui plantent dans la mer, de futurs continents, pour de précaires progénitures. Mais n'est-ce pas trop tard? Lorsque la banquise s'épuise de tenir haute et droite, et veut se reposer dans un dernier cocktail, pour tout recommencer. Dans un milliard d'années. Et cette absinthe indigeste sera siphonnée de loin, par d'impudiques observateurs qui boiront de leur télescopes martiens les derniers soubresauts d'un berceau qui s'éteint.

Il y a ce que la mer donne, et puis ce que la mer reprend.