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mercredi 13 juin 2012

De la souffrance


02/06/2012


"De la souffrance naît la beauté."



Aujourd'hui j'ai du poison dans les veines; le même qui coule dans des centaines de milliers d'humains à travers le pays. Hier j'ai vu la souffrance et à travers elle, j'y ai vu la fin de l'homme. La souffrance est à la fois une des plus puissante source poétique ainsi qu'une des plus grandes forces destructrices. Un vendredi soir parmi mes congénères citadins est un aperçu de l'apocalypse à venir. Ils se tendent tous la main pour mourir, se tendent aussi les poings parfois. Je me souviens ce trentenaire titubant dans la rue, soulevant une sorte de caisse sur ses épaules. Il était seul dans la rue hormis ma présence furtive le dépassant en silence; il allait mourir solitaire au bout de la nuit et sur ses épaules, prêts à tomber à chaque pas, reposaient mes rêves d'antan, mes convictions d'autrefois où revenait si souvent le mot humanité. La nuit est finie maintenant, les rêves reposent à terre d'avoir été trop malmenés, ainsi en va-t-il de même pour l'homme; il ne reste que les bleus et un grand trou dans la conscience. De ma douleur, il ne reste que ces mots et l'éternelle poésie de qui souffre d'aimer.

La connaissance des causes apprend à ne pas craindre les effets. Je vois tellement de raisons à leur malheur, et je les vois aussi tirer le fil de la causalité puis soudainement s'arrêter, fermement convaincus qu'ils tiennent la cause primordiale, absolue, et qui n'a pourtant pas plus de consistance qu'un horizon lointain. Le temps est ce qui nous rend finis et pourtant tellement illimités. Il nous maintient dans son étendue et en même tend étire notre identité, à chaque seconde passé, nous donnant toujours plus d'épaisseur, toujours plus de causes à traiter, nous éloignant sans cesse de l'éventualité d'une métaphysique. Le grand malheur de l'homme c'est qu'il court après une image de lui-même, à laquelle il voudrait s'accrocher désespérément, pour se figer, se rendre limité, connaissable, posséder enfin une identité. Et le temps qui passe n'a de cesse de nous rendre multiples. Il faut aimer le voyage plus que la destination, voilà ce qu'il nous hurle à chaque instant; mais nous crions plus fort que lui.

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Je suis une drôle de personne. La raison principale qui me pousse à aimer le genre humain est la souffrance. C'est toujours la faiblesse, ou ce que je prend pour tel tout en sachant que cela n'en est pas réellement - d'ailleurs qu'est-ce qui est "réellement" - qui jette de la poésie sur les gens... J'observe tel homme avec tant de gentillesse naïve que les gens passent leur temps à se moquer de lui et à profiter de sa personne et voici que j'en tombe éperdument amoureux, de cet amour qui vous fait aimer chaque humain sur cette planète, ce sentiment séculaire que les réseaux ont semble-t-il crée. Je trouve dans la fragilité des gens lorsqu'elle ne les incline pas vers la violence, lorsqu'elle les rend doux envers et contre tout, lorsque leur caractère devient tellement inaltérable qu'il s'incruste dans la réalité, comme une chose rassurante par la seule continuité de son existence, à ce moment là je trouve de la beauté dans ces personnes. Les gens qui n'ont pas d'ego me fascinent plus que tout sur cette terre. Peut-être parce que je les aime alors comme réalité étrangère à moi, comme altérité libre parce qu'elle est tout ce que je ne suis pas. Peut-être aussi que j'admire secrètement tous ces gens là pour leur force de caractère à persévérer dans leur identité malgré les jugements préconçus, malgré la morale et le regard des autres. Car je sais, et ce constat est douloureux, que je ne suis pas comme eux, je sais à quel point j'ai besoin de plaire, besoin de me rassurer et de ne pas décevoir dés que des yeux se braquent sur moi. Et si ce n'était pas le cas, que serais-je alors? Seul et honni car inadapté et totalement exilé à la réalité, derrière le décor dans lequel tout le monde vit, jamais intéressé par leurs actes, par leurs propos, lové dans le silence de mes propres pensées, noyé dans mes fantasmes métaphysiques. Mais moi je ne suis pas celui que l'on regarde avec pitié ou attendrissement, je ne suis pas cette personne à la persévérance si poétique, dénuée d'esprit de domination envers les autres, vivant ses particularités sans porter un jugement à leur propos. Non moi je réussis toujours à peu près, je fais l'impression de quelqu'un de relativement fort, sociable, bien intégré et sans réel handicap majeur, je me pare de mensonge, je me sociabilise par imitation, un des rares domaines dans lesquels j'excelle. Et dés qu'ils tournent les yeux, je redeviens moi-même, petit à petit car il me faut du temps car plus on me regarde et plus je me change en ce que les autres veulent voir. Je n'ai pas le courage d'être moi dans le monde ou bien le monde ne m'en laisse pas l'occasion. C'est probablement la beauté que je n'ai pas en moi qui me fait aimer les autres, les signes.

Le métaphysicien


28/05/2012


"Les mots entravent notre chemin(...)"
Friedrich Nietzsche

"Je" est le métaphysicien; c'est en tout cas ce nom là que je choisis pour m'incarner au monde. Les parents nomment habituellement un enfant de manière arbitraire, ou bien pour des motifs qui n'appartiennent qu'à eux ce dont, vous en conviendrez j'espère, personne ne peut les blâmer; en effet, difficile de mettre un nom sur ce qui n'existe pas encore, ou bien est à venir. Cependant, ils héritent de cette lourde responsabilité, tout comme les hommes créant le premier langage ont du inventer le signe, car l'humain a besoin d'un socle pour y planter les frêles racines de son identité et y fleurir un jour.
Mais vient un temps où les enfants grandissent et forment un arbre où chaque branche est un choix et toutes les branches prises dans leur ensemble ont une forme, et cette forme est leur sens, elle est leur signifié. L'homme est un signe: il possède un nom qui renferme son sens.
Il en va de ma responsabilité d'homme sensé (du moins qui se réclame comme tel) de gommer l'arbitraire de son signe afin de laisser briller son identité par un nom délibérément choisi. Les humains sont pareils aux mots, certains nous parlent plus que d'autres alors que d'aucuns semblent ne rien vouloir dire... Les hommes sont des signes à qui sait écouter leur chant; c'est pourquoi je leur ai choisi cette synecdoque collective.
Quant à celui qui dédie sa vie à parcourir sans fin la chaîne des causalités pourchassant sans relâche d'illusoires causes premières, celui-là mérite le nom de "métaphysicien".

À la fin et au départ


23/05/2012

"L'appétit d'écrire enveloppe un refus de vivre."
Jean-Paul Sartre

À la fin et au départ; au départ et à la fin,
il y avait cette lueur d'espoir et de terreur parfois,
la lueur du doute face à la liberté,
la vierge clarté de la page blanche,
la folle hypothèse d'une vie.
Il me fallait m'écrire et la main tremblait;
puis un jour, elle trembla moins.
C'était aujourd'hui et le présent est encore ancré à ces mots, sur cette page; ma vie...

jeudi 31 mai 2012

Regards

Je regarde l'immensité mais je ne la vois pas, et l'immensité me regarde mais elle ne me voit pas; pourtant nos raisons diffèrent.

Moi simple fragment concevant péniblement le concept d'infini, je n'ai pas l'abstraction nécessaire pour voir l'illimité. Mon regard isole, crée la différence.
Lui, ou elle, ne connaît rien d'autre que la continuité d'une unité qu'aucun vide n’ébrèche, qu'aucune identité ne raye. Son regard dissout, efface toute existence.

dimanche 1 avril 2012

Le silence de l'ignorance

Il m'a été donné, il y a peu, la remarquable expérience d'entendre quelqu'un me dire: "tu ne peux pas comprendre" en parlant de sa passion. Et cette même personne refusait pourtant de répondre à mes questions car elle les jugeaient inintéressantes. En fait, toute tentative de comprendre l'expérience vécue par mon interlocuteur était d'emblée vouée à l'échec puisque celui-ci avait décidé que la conversation ne lui apportait rien et ne daignait pas nouer un dialogue. Rationaliste convaincu, cette attitude piqua ma curiosité: pourquoi diable ne pourrais-je comprendre quelque chose si on me l'explique? Alors je demande naïvement la raison de ce refus. "Parce qu'il faut le vivre pour comprendre". Alors là, les choses s'éclairent un peu pour moi, en effet, l'expérience est une partie de la connaissance nommée 'empirisme' et elle a son lot de bonnes choses à apporter. Cependant, existe aussi une connaissances théorique qui elle aussi a son lot à apporter, chaque mode de connaissance étant complémentaire de l'autre. Mais depuis quand l'expérience n'est-elle pas partageable sous forme de connaissance par l'intermédiaire du langage? S'il fallait à chaque fois vivre les choses pour les comprendre, à quoi serviraient les sciences, les livres d'histoire et le langage lui-même? Tous les auteurs pourraient ainsi dire à leurs lecteurs: "désole, nous cessons d'écrire, ça ne sert à rien, vous ne pouvez pas comprendre."
Les scientifiques ne divulgueraient pas leurs résultats, attendant de chaque curieux qu'il suive lui-même les mêmes expériences qu'eux. Enfin nous ne communiquerions plus entre nous, car les mots ne pourraient servir à une quelconque compréhension, il faudrait que chacun vive ce que l'autre vit afin de le bien comprendre. Ne faut-il pas préférer au silence de l'ignorance, une certaine connaissance, quand bien même superficielle, des choses?

Voilà comment je fus confronté à l'absurdité d'un monde qui se clos sur lui-même, persuadé qu'on ne peut le comprendre, et qui à force devient réellement inaccessible. L'obscurantisme a encore de beaux jours devant lui.

jeudi 29 mars 2012

Musique de l'univers

J'ai tellement de musique dans la tête. Et si peu de moyen pour la mettre au monde.

Je suppose même que je me suis trompé de voie et d'art, peut-être suis-je un musicien après tout? Il suffit de voir ma façon d'user de la langue ainsi que ma conception de l'écriture. La langue est une musique il me semble et c'est cette musicalité que je m'efforce de rendre à la lumière du lecteur. J'écris comme on joue de la musique, avec un rythme en tête, en scandant les mots comme s'il s'agissait d'une mélopée. Chaque son est important, allitérations, assonances et répétitions. Les aphorismes que j'affectionne sont comme des phrasés musicaux brefs mais pleins d'infinies développement. Les nouvelles sont pareils à des opéra et les poèmes sont des morceaux.
Je compose mes écrits tout comme ces oeuvres musicales. Si les mots se contentent de parler, je n'en retire aucun plaisir, il faut que tout cela chante, fasse sonner des intervalles, entraîne dans un rythme, plonge dans les profondeurs et puis s'éleve vers les cimes et au-delà. C'est tout cela l'écriture, une forme de musique dont l'instrument est la pensée formulée.

Et la musique alors, qu'est-ce donc? La musique précède le langage, elle est une vérité antérieure au mot, elle en constitue le terreau fertile. La musique est à l'univers ce qui réunit la matière et le vide, autrement dit elle est tout.

Mon écriture

Je n'écris pas pour raconter des histoires, d'aucuns le font bien mieux que moi.
Je n'écris pas pour plaire aux gens; si mon écriture leur plaît tant mieux, c'est la cerise sur le gâteau.
Jamais je n'adapterai mes écrits aux attentes d'autrui mais ça ne m'empêche pas d'être curieux de l'avis des autres, cela m'éclaire sur leur vision des choses, leur manière de recevoir mes pensées.
J'écris pour porter ma conception propre de la littérature qui est en substance l'importance fondamentale du style dans lequel sont véhiculées les pensées. J'écris pour relater mes pensées et il n'y a que la forme qui puisse sublimer ce qui a déjà été entendu. Le style est un peu le reflet de mon âme, il est la démarche même de mon raisonnement, sa manière de se mouvoir. En lui-même il est donc déjà explicatif et sensé. Hors de soi, la pensée n'est rien sans le langage pour l'exprimer et j'attends de l'écriture une acuité, une précision épurée qui puisse transpercer les choses pour les révéler à leur esthétique car l'esthétique est ma manière d'observer le monde, elle est un choix.
J'écris donc pour colporter cette perspective de l'écriture qui est la mienne, pour que ma voix se fasse une place dans le brouhaha commun afin que quiconque le désire puisse s'en saisir.
Le style n'est pas un ornement tout comme le mot n'est pas ornemental par rapport au sens, l'un n'existe que par l'autre et réciproquement, ils ne sont pas deux choses que l'on peut séparer.
J'écris aussi pour saisir ces instants de silence dans lequel l'esthétique du monde se révèle et se fraie un passage de la pensée à la réalité par le langage, par l'écriture. Ainsi l'écrit devient partie intégrante de la réalité et peut être saisi par n'importe qui empli du même silence qui lui a donné naissance.
Le style est nécessaire pour que la pensée se détourne du chemin habituel emprunté pour saisir le monde, le style brise la routine pour mener à des chemins de traverses, pour mettre au jour le commun sous un angle inédit et singulier.
L'écriture est la mise en musique du monde par la pensée et nous savons aujourd'hui que la musique et plus précisément l'harmonie est un fait culturel et que sa réception peut donc varier d'un terreau humain à l'autre.
Le style est un chemin menant des fondements de notre pensée à son actualité.

mercredi 21 mars 2012

Beautés précoces

J'admire chez certains adolescents que je côtoie, la force de volonté qu'ils exercent à persister en eux-mêmes, exclus et rejetés de tous mais si sublimes bien avant les autres. Il y a une telle douceur dans leur manière d'aller, une souffrance à peine voilée qui place sur leur visage l'esquisse de la bonté. Ils sont de petits anges accueillant la souffrance que le monde projette en eux. Ils sont beaux mais l'ignorent ou ne le montrent pas. Mon devoir est de les accompagner tant que possible sur leur sentier d'exilé, qu'ils puissent tenir bon jusqu'à la liberté. Je souffre d'être seulement témoin de leur martyr, je souhaiterais être avec eux, haï de tous et tellement libre. Notre monde a cette fâcheuse tendance à étouffer et flétrir les beautés trop précoces.

Vivre pour écrire

Pourquoi me forcerais-je à faire entrer mon style dans un cadre qui ne lui sied pas? Tout ça pour un jour, peut-être, vivre d'un plaisir, ce même plaisir, voire cette nécessité, que je ressens lorsque j'écris ces lignes. Le monde actuel se moque bien de lire des âmes et d'explorer l'humain. Aujourd'hui ce n'est pas l'homme qu'on veut connaître mais précisément tout ce qui n'est pas lui; point ses causes mais ses effets; mais comment comprendre les effets lorsqu'on ne connaît pas les causes?

Alors parfois, dans de trop rares sursauts de révolte, mon être persiste à être lui-même, avec son propre style et ses propres structures. Dépouillé, monotone et lent, car c'est ainsi que j'aime la vie, et que je m'aime un peu. Dans la lente puissance d'une pensée qui prend soin d'amasser en elle, dans son envol, suffisamment de doute pour s'achever en interrogation.

Pourquoi devrais-je en vivre? Parce que l'histoire des sociétés a érigé en norme la survie par un métier? Puisque je ne peux occuper tous les métiers simultanément, je m'attacherai donc à tous les essayer successivement, comme un homme que la survie pousse à être complet, tour à tour faiseur d'outil, chasseur puis cueilleur.

Comme la survie n'a de sens pour l'humain qu'en tant que pré-requis propitiatoire à la vie, je vivrai en parallèle mon plaisir dans les arts. Probablement qu'écrire ne sera jamais qu'un plaisir, et après? Seul l'appétit de reconnaissance pourrait briser cette évidence, mais ne peut-on être reconnu pour la beauté de son plaisir à vivre? Nous faut-il un métier pour cela?

L'art n'aurait jamais dû devenir un métier. Mais la pensée est tronquée si l'on s'en tient à cela car dans mon idéal balbutiant, incertain et toujours à la recherche de lui-même, un homme n'aurait d'autre métier que la survie. Cette pensée serait encore incomplète sans le doute qui la rend à l'éternité dont elle est issue, et me fait observer que peut-être, si mon idéal était une réalité, n'aurais-je jamais tenu ce stylo et écrit dans ce cahier. Je reconnais alors ma voix comme une parmi tant d'autres mais qui, comme toutes les autres, mérite à être entendue.

mardi 13 mars 2012

Arracher

Un cri du coeur qui voudrait intimer au corps l'ordre de s'immobiliser le temps des responsabilités, jusqu'à ce que plus rien ne compte de ce que l'on peut faire, là où tous les espoirs sont vaincus, toutes les attentes déçues. Il faut s'arracher à cette indolence de la contemplation qui voudrait phagocyter la vie en son entièreté. C'est une certaine violence renouvelée pour moi, toujours la même coutumière sensation indéfinissable. Depuis que l'argent a remplacé la nature et que c'est désormais lui qu'il faut récolter pour survivre, depuis ce moment précis, le monde était devenu hostile à mon égard. Je rêve de société primitive où l'on doit tout faire soi-même: construire sa propre maison et cueillir ses propres fruits. L'acte vulgaire d'aller amasser son argent est mon bien nommé tripalium. S'arracher pour le non-sens, s'arracher pour cette régularité monotone qui grignote petit à petit l'intervalle restant entre l'homme et la machine. Dans ce gigantesque et infernal système de l'esclavage total, où chacun est l'esclave de l'autre, où chacun est dépendant de l'autre pour sa survie, je brise ma volonté, écrasé par le rouage dont je suis le lubrifiant remplaçable. Notre société du travail est une société d'anonymes, une société de gestes et de fonctions, elle n'est pas une société d'hommes. Je ne suis et ne serai jamais moi dans ce monde car je suis un intermédiaire, un processus et mon identité reste à jamais indifférente à tous.

Revenir en arrière? aller de l'avant pour d'autres. C'est un plaisir de réguler sa propre survie en fonction de ses besoins, d'être responsable de soi-même et d'agir en vue d'un résultat concret dont le sens n'est pas à créer ultérieurement. S'arracher dans ces cas là? Non s'élever et rendre la survie agréable parce qu'elle s'entretient directement par nos mains, sous nos yeux, dans le sentiment du devoir accompli. Je veux choisir mon propre mode de sauvegarde, n'être soumis qu'aux rythmes de la nature et non ceux du capital, je veux que l'humain soit la mesure du temps et non plus la production et le profit qui en découle. Ne pouvons-nous vivre en tant qu'hommes et accepter ainsi ce qui aux yeux de tous les puissants constitue la honte suprême: que nous sommes des êtres mesurés par la quantité car impliqués dans un écosystème lui-même mesuré. Pourquoi la démesure de l'homme s'incarne-t-elle toujours dans cette quantité qui n'est qu'une manière de détruire le temps et l'espace, au lieu de l'incroyable profondeur de la qualité d'une vie que seules nos consciences éduquées nous permettent de discerner. La profondeur d'un instant et d'un geste contre tous les wolrd trade center du monde.

Un jour, il faudra bien de ce jardin d'Eden, arracher les mauvaises herbes.

mercredi 7 mars 2012

"Je est un autre" (Rimbaud)

Pourquoi ces revirements soudain? Pourquoi continué-je ainsi à changer si brutalement et si régulièrement dans le cours de mon existence? Suis-je à ce point influençable par les autres? Est-ce le propre de l'homme, ou seulement le mien, d'être traversé par les pensées d'autrui. Elles qui s'emparent si bien de moi. Les oeuvres d'art me modifient, transfusant mon âme d'un endroit à un autre. Cette passivité outrancière n'est-elle pas la conséquence d'une profonde angoisse face aux conséquences de mes actes ou encore face au jugement dont ils pourraient souffrir. Pas étonnant que cette philosophie stoïcienne me plaise tant, elle est l'antidote à mon malaise, à ce qui m'attire dangereusement vers le vide. Pourquoi n'agit-elle pas lorsque j'en ai le plus besoin, justement dans ces moments de doute où le vertige se fait trop pressant, tellement pressant que le moindre atome de notre corps et la moindre parcelle de notre volonté lutte contre un irrépressible élan qui nous pousse à sauter pieds joint dans l'inconnu. Probablement parce que comme toute doctrine, elle agit par un effet placebo, or je ne crois plus en rien... Faut-il accepter le mensonge pour être heureux? Ou est-ce tout simplement que la vérité est un choix? Ce qui veut dire que de même qu'elle se trouvera entre nos mains, de même elle persistera partout ailleurs dans celles-ci. C'est peut-être cela même que mon esprit missionnaire ne parvient pas à tolérer. Il faut bien néanmoins emprunter une voie sans perpétuellement rebrousser chemin. Il faut être capable de tracer une route tout en étant conscient que d'autres sont possibles et qu'aucune n'est réellement mieux qu'une autre excepté lorsqu'elles sont vues à travers nos croyances.

De mes cendres quelque chose s'apprête à naître, et si je n'en connais pas la forme, je sais toutefois qu'il s'agit de moi-même et je comprends alors que "Je est un autre". Et je comprend aussi l'assassin de Dieu lorsqu'il nous dit: "Deviens ce que tu es".

Rongé par les vers

Ma seule manière de faire briller la poésie est de singer le passé. Et j'ai pour seul résultat ce désespérant et prosaïque anachronisme versificateur. Il faut bien se rendre à l'évidence, mon âme ne s'illumine que dans la prose; c'est un peu ma façon d'être poétique tout en étant moi. C'est dans ce paradoxe que doit résider ma beauté, dans cette laideur banale dont se compose ma substance. Au fond ce sont bien les autres qui m'inspirent la beauté, je crois que sans eux je n'aurais jamais crée. Comment initier une entreprise esthétique lorsqu'on ne voit que cette, trop réaliste, fade perspective de soi-même. Je pense que ce sont eux qui m'ont fait un jour entendre cette harmonie de ce que je croyais sans saveur: le banal, l'ennui et le commun. Il y a un rythme propre à chaque être et ils m'ont fait entrevoir le mien, je m'en approche et le deviens.

"Deviens ce que tu es" disent-ils à ceux qui les écoutent. Il aura fallu bien du silence pour que j'écoute enfin...

Depuis, je traîne ma musique, la transformant sans cesse vers une actualisation de ma personne. Je m'efforce de tracer une route de moi à moi-même, et finalement, je suis partout, entre là-bas et ici. Mieux! Bien mieux mes amis, ainsi je suis partout et à venir.

jeudi 23 février 2012

Une vérité obreptice

Tu n'écris plus de poésie, tout juste quelques paragraphes rongés par les vers. Oh je le sais, je ne mets plus de fard à la vie, peut-être ai-je enfin déçu tous mes vains espoirs. Et que pourrais-je leur dire alors, à tous ceux qui ont cru? "Vous savez, on ne va pas contre sa nature; je n'étais pas comme vous, pas fait pour réussir". À quoi bon opposer à leurs croyances d'autres tout autant douloureuses...

Je ne vois plus la beauté dans l'imperfection, seulement l'imperfection dans la beauté. Moi-même me suis devenu égal, je ne m'intéresse plus vraiment. Que me faudrait-il donc penser de tout? Et de rien? Dites-le moi, après tout que valent mes pensées de plus que les vôtres? Je pourrais tout aussi bien être un autre et ainsi te satisfaire... Et pourtant ce sont toujours les mêmes travers qui restent bien ancrés, mes vieilles erreurs et ma vieille identité. Il faut bien que je crois en moi pour subsister ainsi, je suis ma propre étoile. Une naine rouge tout au plus, je ne suis pas de ces supernovae, pour cela il faut un tant soit peu d'éclat.

Je n'écris plus de poésie tout juste des non-sens que j'habille de mystère. Tiens, voilà, tout est dit! En une phrase me voilà démasqué. Mon quatrième de couverture est cet amer remord décliné en maintes tonalités; un monologue d'angoissés qui aiment à crier plus fort que n'importe quelle vérité. De ces gens là, des gens comme moi, j'en connais trop. Des égoïstes croyant être la mesure de toute chose. Le monde est leur pantoufle, il ne s'adapte qu'à leur pied.

Je n'écris plus de poésie, est-ce vraiment un mensonge? Et tous mes points finals sont des fins obreptices...

mercredi 25 janvier 2012

Pourquoi?

Que l'on me demande pourquoi je ne peux pas travailler toute ma vie dans un même métier, je répondrais que je n'ai pas la force de sublimer l'absurde plus de quelques années. Que je n'ai pas la capacité de me projeter dans une tâche pour laquelle je donnerais le meilleur de moi-même le temps d'une vie. Vient un jour où ma fonction devient source de fatigue, d'ennui et par-dessus tout de déception. Un jour bientôt, elle devient ma prison, mon calvaire. À ce moment là, le métier me tue et je tue le métier par la même occasion. Je deviens comme la plupart des gens, je travaille par nécessité. C'est en général à ce moment qu'il faut partir, offrir sa curiosité et sa persévérance à d'autres vents. L'épanouissement au travail est une affaire de croyance, plus en soi qu'en la fonction elle-même. Il me faut quelques années pour réaliser la synthèse d'une vie possible et, en tout cas,  m'en satisfaire. Deux, trois ou quatre ans maximum. Je veux ensuite porter mon attention, mes effort d'apprentissage et de compréhension sur autre chose afin d'en faire une synthèse que j'intègre alors à ma représentation du monde.

Certains aiment développer, pérorer, étirer à l'infini l'univers qu'ils se sont choisis. J'aime personnellement à en faire le tour dans les grandes lignes, à en saisir la substance afin de n'en retenir que cela. Il me faut le ou les arguments généraux ainsi que quelques exemples. La suite n'est pas pertinente, je ne lui confère que peu de sens. Ce que je retiens de l'Histoire c'est le sens par lequel on peut l'éclairer et les multiples histoires qui la composent ne sont que des illustrations de sa lumière, d'infinies ramifications.

Voilà, c'est comme cela que la vie me chante, par la découverte et la synthèse. La vie qui m'intéresse est celle qui a une fin. C'est la fin dans toute chose qui m'en apporte le sens. C'est peut-être mon jeune âge qui me fait rechercher le sens dans tout ce que j'entreprend. Je me suis lassé des histoires le jour où il m'a semblé entrevoir dans chacune ce qui les relie, leur commune substance.

mardi 10 janvier 2012

Portrait

Rouge et noir; et bleu comme l'océan et puis toutes les autres couleurs aussi puisqu'une seule ne te suffit pas...
Bateau aussi, comme ta prose, comme ta risible poésie. Tes tentatives, tes échecs programmés.
Bancal comme le début de tes phrases.
Abrupte comme leur fin.
Indécis comme ton esprit plein de détours.
Torturé comme certains t'appellent...
Lâche comme d'autres peuvent penser.
Inexistant, c'est ce que tu voudrais être parce que ça t'arrangerais bien.
Utopique comme tes idées.
Puéril comme ton comportement.
Mais acharné, à poursuivre ses utopies.
Et pourtant résigné à les laisser courir en les abandonnant à leur sort.
Apostat, c'est le mot que tu cherchais.
Persévérant? Je ne crois pas, à moins que le caractère fugace entre dans la définition du mot...
Buté, têtu ça irait mieux.
Insatisfaits, s'applique à tes désirs.
Raté? Comme toi, comme ta vie?
Incapable de transformer les rêves en réalité.
Contemplateur mais le mot est trop mélioratif.
Spectateur illustre mieux ta personne.
Velléitaire, c'est ce qui te donne les impulsions de départ, ce qui donne aux gens à croire en toi.
Décevant par la suite, quand tout le monde s'aperçoit que les promesses se sont perdues dans le désert.
Sociopathe puisque les gens t'empêchent de croire en tes mensonges.
Crédule oui, comme un homme qui a peur,  qui cherche sa religion...
Terrorisé? Ce n'est plus vrai depuis que tu as appris à danser sur le vide.
Vivant... Oui, pour l'instant, pour ce que ça compte...
Conscient, encore et toujours.
Voyageur, sans destination connue et sans obligation.
Solitaire parce qu'incompréhensible, invivable pour les autres.
Reconnaissant toutefois de leur existence, de leur inspiration.
Amoureux aussi de leur altérité.
Attentif au sens que l'on confère aux choses.
Assidu, comme un bon élève de la vie.
Curieux de tout, de toutes les vies possibles.
Inoffensif car tu es transparent, tu ne caches pas tes intentions.
Honnête sur ce dont tu as conscience et pour le reste...
Heureux enfin, des paysages traversés, et de ceux à venir...

lundi 9 janvier 2012

Dialogue

Je rappelle que ces textes n'ont pas pour vocation d'être une transcription de la réalité mais sont des fictions. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations connues est purement fortuite.

À rien, ça ne sert à rien...
Mais tout ça voyons, tes conneries, tes rêves de gamins, tes expériences avortées, tes histoires!
Ah bon et bien pourquoi tu continues alors, puisque toi-même le reconnais?
Oh toujours tes grands mots! Ça, pour l'emphase tu es fort, y a pas à dire! T'en veux une de vérité? T'es un fainéant, un bon à rien, un parasite!
Et tu te laisses traiter comme ça sans réagir? Parce qu'en plus tu n'as aucun ego?
Monsieur se targue d'être différent, au-dessus du lot c'est ça?
Mais tu ne vois pas que toutes tes conneries c'est une manière de déguiser ta fatuité.
Ouais et ben peut-être qu'au lieu de te regarder le nombril, tu devrais te prendre en main. Te révolter, t'activer un peu, devenir un homme!
Ah bon? Pourquoi, donne-la moi ta définition de l'homme puisque tu es si savant.
C'est sûr c'est plus facile comme ça, on exclue personne hein? Je vais te le dire ce que c'est un homme pour moi et la plupart des gens sur cette planète: quelqu'un qui se lève pour travailler, quelqu'un qui nourrit une famille, quelqu'un de courageux!
Ah ça, je ne t'avais pas attendu pour le savoir! Et tu en es fier en plus?
Heureusement, de toute façon je ne vois pas bien de quoi tu pourrais être fier, non mais regarde-toi un peu... Tu m'écoeures.
Et moi, j'ai demandé à devoir m'occuper d'un gamin?
Ah oui, tu veux que je partes pour de bon, tu veux savoir ce que ça fait?
Et tu feras quoi après? Tu vas faire quoi de ta vie, nourrir tes illusions de demi-mesures, d'hésitations et de chemins à peine empruntés?
Tu as raison. Ça ne me regarde pas. Ça ne me regarde plus désormais...

lundi 2 janvier 2012

Votre ombre

Ô la miraculeuse révélation face à laquelle nos pauvres têtes s'inclinent en signe de révérence courtoise et passionnée: je n'ai aucun style. Ou plutôt devrais-je dire que j'ai tous les styles. Que dois-je conclure de cette éclatante vérité à l'odeur d'excrément si ce n'est que l'écriture n'est et ne sera jamais qu'un jeu pour ma personne éplorée. Tout est affaire, et cela semble être le cas dans tous les domaines connus de l'auteur, de rôle et de virtuosité à ne pas prendre ce dernier au sérieux. Ironiser! C'est donc avec l'âme toute ironique que je m'en vais réaliser ma parfaite métempsycose, parfaite car il n'est nullement attendu que je meure afin de m'incarner dans une autre personne. Sacrilège! Aurais-je donc défié les dieux pour en arriver là? Mais qui suis-je pour oser écrire ainsi, comme on vit une individualité quelconque, en en revêtant le costume, les mimiques, les gestes et jusqu'au passé.

Bref nous voici donc confronté à l'odieuse vérité qui par ailleurs comme toute vérité n'en est plus une une fois prononcée. Serions-nous donc confronté à du vide? En quelque sorte oui, du vide à combler de mille manières différentes, d'une myriades de vies insignifiantes que seuls le signe écrit saura réveiller, incarner et rendre à l'inaltérable absurdité de la vie. Vers quel point faut-il donc se diriger dorénavant? Quel horizon doit-on assaillir de nos pas pressés? Serait-il pertinent de se faire payer par des étudiants pour rédiger leur copie à leur place? Embrasser l'édifiant métier d'écrivain public? Se cacher dans l'ombre et devenir un nègre? Autant d'avenirs que l'on peut résumer par le terme suivant: prostitution littéraire! Devrais-je donc annoncer fièrement à mes parents, un stylo sur l'oreille, que leur fils va devenir un péripatéticien des lettres, un sans visage, un sans nom? Existe-t-il une autre alternative consistant en la continuité d'une activité d'écriture purement ludique et sans autre prétention? L'arrêt définitif de tout glissement de mine sur la douce peau du papier blanc (dit-il tapant sur son clavier)?

Mais oui! C'est cela! Le pastiche, la faribole, la boutade! Tu deviendras journaliste mon fils, dans un journal excrémentiel, tu pondras des lignes de blagues acerbes sur un ton ironique et acidulé pour te moquer de tout et de tous. Tu seras un fouille-merde, payé à la lettre. Un critique d'élite, prompt à fustiger tout ce qu'il n'aura jamais le talent de faire. Un sombre individu méprisable et honni de tous à part de la pire engeance qui soit, je veux parler de cette caste d'aristocrates parisiens autoproclamés, de ces petits arrivistes détestables, ces valets de l'argent. Eux sauront apprécier ton verbe délié qui fait mouche et s'immisce dans les plus profondes bassesses humaines afin de faire suinter le sang de l'innocent, et bientôt tous viendront s'abreuver à la mare de la pureté qu'ils ont perdu, prolongeant ainsi leur misérable existence de parasites. Lorsque la haute société parisienne t'apprécie, il est généralement temps de sauter du douzième étage pour tester l'élasticité de ton ossature et par la même occasion, la résilience du béton de la rue.

À moins qu'il n'existe un écrivain de génie encore inconnu de tous, un oublié à qui voler l'identité? Voyez dans quelles extrémités cette épouvantable situation me pousse! Je ne sais que faire si ce n'est mon deuil. Il me faudra me vendre à ces rapaces ou bien tuer mon identité littéraire, qui rappelons-le n'a jamais existé. Je pourrais par un artifice non dénué d'impertinence former un surnom composé de tous les noms d'auteurs que je vais imiter? Si je m'en tiens à mes favoris du moment, cela donne: Ccbc... On a connu plus vendeur. Mais qu'à cela ne tienne, il faut que j'élargisse mon répertoire, que je trouve des auteurs dont le nom débute par une voyelle et non une consonne. Aragon, Asimov, Eluard? Aller je réessaye: Cacabec... Caca Bec. Original, on reste dans le domaine du fécal pour un individu qui peut s'apparenter à une merde c'est dans le ton. Ou bien en changeant l'ordre: Baca Cec. Un petit côté pays de l'est qui peut connaître son heure de gloire. Aller n'insistons pas... Tu vois bien que c'est ridicule, qu'il n'y a rien à faire à part continuer de ne pas être? Si ce n'est une ombre, l'ombre des grands qui se serait égarée dans le monde de la chair, avec huit ans d'âge mental et qui ne penserait qu'à jouer avec la seule chose qu'elle ait jamais connu: les mots.

Ces idées m'entraînent jusqu'à la logorrhée ou plutôt devrais-je employer le terme d'idiorrhée, mais il me semble que le bât blesse question étymologie et que je viens à l'instant de révéler au monde mon insondable inculture de béotien, mon prosaïsme atterrant. Cette péroraison n'ayant potentiellement pas de fin, je me vois dans l'obligation d'abandonner mon lectorat à sa vie trépidante. Je cesse d'écrire pour le moment. Je recevrais avec grand plaisir vos lettres de soutiens ou d'insultes mais surtout vos suggestions sur l'identité à adopter. N'étant aujourd'hui personne, je cherche désespérément une coquille humaine à habiter, une âme autrement dit, un style. M'inclinant bien bas, je vous attend, patiemment, baignant dans mon désespoir intime parmi les alphabets qui n'ont pas vu le jour, les langues ratées et les détritus de mots.

Bien à vous, votre ombre.

dimanche 6 novembre 2011

Leur style

Est-ce que les gens ne confondent pas le style avec une forme de faste littéraire, de prétention linguistique faisant primer la décoration sur l'architecture?

Plût au ciel que les hommes eussent compris plus tôt l'inefficience d'un style trop pompeux et chargé, celui qu'une nouvelle aristocratie en mal de mondanité aime à arborer, confondant le caractère coruscant d'une chose avec sa beauté intrinsèque.

La dérisoire simplcitié de ce procédé littéraire et sa profusion n'en fait-elle pas précisément un artifice à la valeur douteuse? Un instrument de sophiste ne saurait faire passer, aux yeux avertis, un béotien pour un génie, ni le plagiat pour l'originalité.

Il s'agit bien souvent d'être précis et simple, y compris dans la métaphore, pour être le meilleur ambassadeur de la poésie. Le meilleur éclairage (jugement bien subjectif par ailleurs) est bien rarement le plus intense.

dimanche 23 octobre 2011

L'heure des bilans

Il faut le dire: je ne sais qui je suis.

Je me suis éparpillé au gré des autres, souhaitant leur ressembler, souhaitant leur plaire. Mais ce n'est plus moi qui écrit, j'ai prêté ma main à d'autres voix et l'association ne fonctionne pas.

Comment fait-on pour se perdre ainsi? C'est probablement à force de vouloir plaire aux gens, qu'on se débarrasse de ce qu'on a de différent. On essaye tous à un moment, de rentrer dans le moule et d'y trouver sa place.

Aujourd'hui si je ne sais plus écrire, c'est que je n'ai plus de pensée. Ainsi je peint ma dépouille, adorant un souvenir. On ne revient pas d'entre les morts mais si je persiste à écrire c'est que mon être réside encore dans quelque endroit du monde. Mon âme endormie devra un jour se réveiller et se mettre à genoux dans une analepse douloureuse dont surgira enfin le rythme: ce doux mouvement de la vie.

samedi 24 septembre 2011

Souvenir: un fragment


Dix heures du matin, le soleil tape comme tous les jours ici et je prépare mes affaires. On va à la plage aujourd'hui, en ce Samedi tant attendu. Tout mon être est tendu vers l'océan, je ne suis qu'anticipation de notre rencontre. Musique rock dans la chaîne, je me gave d'images de toutes mes idoles, tous ces surfers auxquels j'aimerais tant ressembler. Je sors ma combinaison et la pose sur le lit, mon lycra, ma planche rangée dans sa housse. On embarque tout ça soigneusement dans la voiture et mes parents et moi partons pour une journée à la plage. Je leur donne une cassette audio: Silverchair que nous écoutons et j'observe le paysage marocain s'enfuir dans la musique, sous mes yeux de gamin plein de rêves.

Dix heures trente-cinq, nous arrivons à l'Oued Cherrat, mon spot favori. Mon père gare la voiture en haut de la dune qui nous cache l'océan. À peine sorti, le vent emporte mes cheveux, rafraîchissant ma peau. Je ne peux m'empêcher de monter directement tout en haut de la dune et voir l'océan agité s'offrir à ma vue. L'eau est magnifique, les vagues régulières, la plage est presque déserte à cette heure-ci. Un frisson de plaisir me parcourt, je vis déjà le moment où mon corps pénétrera dans l'élément liquide, soutenu par la planche glissant doucement sur l'eau salé, comme une caresse faite aux vagues.

Je récupère mes affaires, nous descendons vers la plage, je laisse le soin à mes parents de trouver un emplacement qui leur convient. J'enfile mon lycra puis ma combinaison qui me compresse et me colle à la peau. Méticuleusement, je frotte le pain de "wax" à l'odeur de barbe à papa sur la planche puis attache la laisse à ma cheville gauche. Je trottine vers l'océan, sentant le sable devenir de plus en plus humide sous mes pas, prendre de la consistance. Le bruit des vagues qui se cassent ne s'arrête jamais, il est ma musique de fond. J'ai les pieds dans l'eau froide, mon coeur bat un peu plus vite et je m'élance sur le dos d'une vague en me jetant à plat ventre sur la planche. En face de moi: une série de murs d'eau mouvants vers lesquels je m'avance, ondulant au gré des vagues. Je ressens le sel sur mes lèvres et l'eau qui s'infiltre peu à peu dans la combinaison. Une première vague casse devant moi, je m'enfonce avec la planche pour passer au-dessous de l'écume qui semble une bouche rageuse qui veut tout emporter, premier contact avec la réalité de cette violence océanique. Je passe la barre et me retrouve au-delà des vagues, dans la calme où l'océan ne s'acharne pas sur la terre, attendant patiemment à cheval sur ma planche, les yeux rivés sur l'horizon, qu'une série s'annonce. Soudain à quelques mètres, je vois l'eau enfler en imposantes ondulations, la série est grosse, je me retourne et commence à ramer pendant que la première vague me rattrape, me lèche les pieds, et veut m'entraîner avec elle. Encore quelques efforts vigoureux puis je me sens porté, entraîné dans la pente raide de cette vague tant attendue, je glisse et prend de la vitesse. D'un coup je me redresse, me tenant debout sur le planche, tout mon être fondu dans l'action, seul intermédiaire entre moi et l'eau, cette planche qui me porte et me transmet un peu de la puissance de cet océan immense. J'ai douze ans et la réalité du monde l'emporte sur les balbutiements de ma vie intérieure. J'ai douze ans et il me semble qu'alors n'existe aucune différence entre moi et ces vagues impétueuses, entre moi et cette plage que je n'ai jamais vraiment quittée, entre moi et ce pays auquel je me confonds.