jeudi 5 mai 2016

J'aimerais être un poème

J'aimerais être un de ces poèmes qui m'émeuvent tant, ne plus avoir à traîner cet amas de plaisir et de peine dans les sinueux lacets de la vallée des destins. Mon sang deviendrait encre noire, ma chair véritables paragraphes aux lettres insensées. Que ne serais-je pas plus léger alors, tout juste un bruissement de feuilles imprimées. Mes hésitations ne seraient que des récits d'hésitations, mes amours des vers et des rimes, mes pensées une prose rythmée et profonde, mes sentiments des chansons. Qu'il me serait simple alors de rester là, étalé aux yeux de tous, et pourtant multiplement celé dans le non espace des significations et de la valeur des mots. Faire de mes maux des mots, n'est-ce pas ce que je fais maintenant? Mes souffles seraient d'interminables ponctuations, je ne vivrais plus mais je serais vécu, je deviendrais le signe d'une chose inexistante.

Et qui sait, peut-être pourrions-nous vivre notre amour, entre deux alinéas, peut-être qu'un chapitre t'aurais donné nos enfants, tes enfants. Je n'aurais plus la douleur de repenser à tes yeux, à ton âme (qui est tous tes gestes et ton style); il reviendrait à d'autres de la vivre, je n'en serais qu'un signe, embrassement de lettres intriquées qui attendent, dans le repos des sans-vie.

J'ai beau tisser de lettres ces pages virtuelles, je suis inexorablement ailleurs. Je vis et j'existe hors de ces lignes qui ne sont pas moi, et rien, jamais, ne s'arrête et s'apaise ici. Même les silences sont un bruit qui me blesse, un son variable qui jamais ne cesse, contrairement à ces phrases.

Phrases, je vous aime, parce que vous n'êtes pas moi...

Et vous qui venez de lire ces quelques pensées formulées dans l'étoffe d'une langue dont les règles un jour disparaîtront, vous là, qui que vous soyez, vous n'avez attrapé que des mensonges, les songes libérés d'un esprit-chose-moi qui les enfile comme des perles.

La langue m'a toujours fait mentir et vous?

2 commentaires:

elly a dit…

Dans le mensonge, il y a certaine(s) vérité(s) et vous êtes déjà un poème :-)

L'âme en chantier a dit…

Je suis touché...