jeudi 14 décembre 2017

Le goût des réductions

Je me faufile sans cesse entre d'étranges gouttes d'encre qui cherchent à colorer les diaprures d'êtres vivants à la couleur de leur propre sentiment. Les crachins depuis longtemps jamais ne m'atteignent, je suis passé maître dans l'art de filer entre les trajectoires rectilignes de ces cracheurs de vérité qui cherchent à réduire un monde à leur monochromie, ou bien à leur polychromie particulière. Je m'étonnerais toujours de voir avec quelle vigueur et force de créativité ces gens là rabrouent autrui, le récusent, en font le mauvais exemple à ne surtout pas suivre. Comme si la nature avait choisi la réduction et l'uniformité, comme si elle n'avait pu perdurer qu'au prix de la simplification et de l’appauvrissement.

Mais les persiflages de ces oiseaux là ont un rythme que j'aime à emprunter pour y improviser mes propres schèmes, et voir un peu comment les éclairer de l'intérieur, comme la flamme des lithophanies. Crier, incruster son goût dans la chair blanche des livres ne donne pas plus de poids à celui-ci qu'à celui, silencieux, des autres... Réduire le divers, le rendre à l'unité parfaite d'un principe, ou quasi-parfaite d'une poignée de principes, voilà qui occupa bien des heures de philosophes et autres gourous.

Mais, je dois ici me confesser, j'aime toutes les émotions de l'âme humaine, je trouve un sens dans toutes ses expressions, et je ne pense pas que certaines soient à éviter plus que d'autres. Tout sentiment est un souffle qui peut produire d'indéfinies variations et formes. Chacun puise sa force où il le peut, mais il est inutile de tirer la langue et de montrer du doigt celui qui s'alimente de nos rejets et nos terreurs. Celui-là, un jour, pourrait s'avérer bien utile...

Et si quelque chose vous dérange dans l'expressivité d'un autre, demandez-vous: quel reflet de moi-même suis-je en train de condamner à travers celle-ci?

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