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vendredi 5 février 2021

Le fond diffus de soi

 Je me suis immergé dans le bruit ces derniers temps. Le bruit, c'est liquide, c'est dense et c'est profond; et parfois tellement lourd que ça vous noie sous la pression. L'océan noir de sons est une broderie diaprée où tout phonème ouvre la porte vers d'indéfinis récits que l'on s'invite à suivre, un chant de sirènes qui peut endormir son humain jusqu'au bout du grand sablier, jusqu'à son dernier grain.

Je me réveille aujourd'hui, de plus en plus souvent; les paupières lourdes, hagard et ensuqué d'être resté si longtemps en suspens, dans le sommeil cryogénique de spectacles extatiques. Sortir du néant, du silence assourdissant d'exister...

Mais je me réveille... J'y reviens dans ce lac étal de mon identité, avec son fond fuyant et son eau qui ressemble à de l'air, cet air si lourd qu'une seule inspiration vous noie comme cent goulées de sable.

J'y reviens, j'y reviens... Et ramasse en mes sables de nuit de bien étranges étoiles aux formes si exquises qu'elles ressemblent à ces motifs que l'effort vital sait imprimer à la matière rétive -- au bout de millénaires entiers. Des objets millénaires... Dans mes sables à moi... Mes sables trentenaires... À quelle vitesse s'écoule donc le temps dans le manteau céleste de mes profondeurs?

Quelles étranges astres... Poudroyant de lueurs irisées, cascades de teintes obscures et d'ombres de couleurs antiques... Et tout cela danse en rythme, émerge de ces sables en des constellations orphiques tissant une grammaire indéchiffrable pour l'entendement et simplement sensibles.

Il faut sentir les pensées, semblent-elles dire à l'âme atone et perplexe. Il faut tremper la pointe en ce réseau de signes, exhumer de ces souterrains l'ineffable surface du fond diffus de soi.

samedi 8 février 2020

Sur la petite scène

Plus grande entrée dans le journal. C'est que ma vie n'a rien à dire de neuf. J'ai bien compris que je n'étais rien, rien que le monde qui s'apparaît par mon interface singulière. Je ne suis qu'un outil commode qui trace des symboles sur l'indétermination primordiale.

Je suis le paradoxe de l'infime fragment qui veut redessiner le tout et le comprendre en soi comme chose donnée par lui.

Maintenant, je n'ai plus grande attente. Je me laisse prendre indolent. J'écris les impressions qui me traversent, les fulgurances de vérité qui n'en seront pourtant jamais. C'est le théorème d'une conscience enclavée qui produit ses propositions littéraires enflammées, lettres d'amour au monde jusque dans la haine qui consume.

Se consumer c'est bien. Ça fait passer le temps qui de toute façon doit passer. Et ça passe, ça passe en ajoutant ses unités au grand compteur d'années. Unités-symboles de rien, de tout, d'une différenciation dans le grand écoulement égal des choses. La société construit ses petits ensembles qu'elle ordonne en continuité pour se conter le récit d'exister. Je suis un sous-ensemble de l'ensemble, unité d'innombrables unités qui se défont en sèmes.

Un rythme, une esthétique ontologique, une métaphysique en être.

Les actes seront oubliées. La seule chose qui compte est l'éternité de l'instant vécu, le reste... Finira érodé par l'entropie, l'oscillation deviendra droite, la note aura été jouée.

Je passe emporté au hasard du destin sur un vélo d'enfant, avec des carillons tout plein qui sonnent dans les vents.

Le moment d'avant la question est la formule universelle des réponses.

Je suis d'entre deux lourds silences, comme un bruit nécessaire à son humble existence.

Les choses se taisent même à l'intérieur des sons. Chaque son est entrecoupé de silences entrecoupés de sons.

Je vais me taire plus souvent désormais. Je n'ai plus grand chose à me dire. J'attraperai mon âme instrument capricieux et je jouerai la musique de mon propre espace-temps. Je jouerai encore et encore avant que la lumière s'éteigne.

J'aurai fini ma tâche quand rien n'apparaîtra sur ma petite scène.