lundi 14 mars 2016

Complainte en mineure

Chez moi, comme en musique, la tristesse est une forme de joie. D'ailleurs n'entre-t-il pas dans la définition même du concept de tristesse d'être un degré de la joie? Il n'y a pas d'un côté la joie, d'un autre la tristesse, mais on passe de l'un à l'autre par d'infinies nuances qui font de l'une et l'autre les parties d'un même ruban, et des deux une idée sans réelle projection objective (comme le laisse penser l'argument sorite qui pourrait s'appliquer ici).

Si cela semble paradoxal c'est une bonne chose, car c'est l'essence même de nos jugements qui est paradoxale: la vie existe par la mort et inversement, le chaud par le froid, etc. Chaque jugement n'étant que le résultat d'un rapport permis par un point de référence et un contexte d'application borné. Là aussi chaud et froid sont les mêmes choses: ce qui est jugé chaud au sein d'un contexte d'application deviendra le froid dans un autre...

Pour cela notamment, notre rapport à la musique (comme à toutes choses d'ailleurs) est bien personnel. On peut bien constater que les humains partagent quelques structures communes qui déterminent en partie leurs rapports aux choses, ainsi, la musique mineure semble bien être pour tous les hommes, issus d'une culture où la musique existe, mélancolique, inquiétante et triste. Mais certains tireront un plaisir immense de l'expérience d'une telle tristesse alors que d'autres seront plongés dans une détresse qu'ils chercheront à fuir au plus vite.

Ayant toujours été quelque peu agoraphobe, je fuis les lieux où vont les autres et, là où ils fuient, je m'intéresse; et je finis toujours par arpenter en tous sens ces zones délaissées de la psyché, j'y trouve là mes trésors de beauté, ceux qui ne sont pas quotidiennement pillés, et les gens que j'y croise ne viennent pas imposer leur promiscuité comme des chiens, mais respectent une distance de respect qu'à tout moment, un regard, une entente, est libre de briser. La tristesse qui s'étale ici, en relief sonore sur tous mes cieux barbouillés, n'est qu'une forme de bonheur pudique, la possibilité pour le lecteur qui s'engouffre où les autres s'en vont, d'être heureux librement, hors des invitations racoleuses.

Je me demande parfois quel effet a sur vous, mon éternelle complainte mineure...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

la question que je me pose est : pourquoi existes tu ?
prenons l'exemple de Hollande , je te rassure tu lui es forcement superieur en tous points bien que je ne te connaisse pas... et bien pourquoi existe t il ? n'est ce pas a preuve irréfutable que dieu n'existe pas ? que l'univers est soumis au hasard , a la bonne vieille ragougasse réchauffée populaire ? je veux dire, une créature comme lui ne sert a rien, il n'est personne, son physique tellement ingrat et ses idéeaux prolétaires ne peuvent évoquer que le degout chez le guerrier philosophe sage que je suis devenu. Quel intelligence supérieur perdrait son temps a faire ca si ce n'est ...si ce n'est justement pour illustrer , incarner, l'inutilité absolue, la plus vile cochonaille !

elly a dit…

Je vais me répéter : ce texte me parle aussi. J'adhère, je crois d'ailleurs que celui ou celle qui se veut sans paradoxe est un dangereux fasciste, un genre d'extrémiste, fixé sur un bord et incapable de souplesse, incapable de nuances, incapable de poésie.
Personnellement, je ne me lasse pas des chansons tristes, des éternelles complaintes.

L'âme en chantier a dit…

Ah voilà qui me fait plaisir Elly. Nous sommes tous deux des amoureux du mineur, et je ne me lasse pas de vos poèmes (même ceux écrits en majeur d'ailleurs, ce qui est plutôt rare pour moi).