vendredi 6 novembre 2009

Les modèles

Ecrire est une passion dévorante, plus qu'une passion que dis-je c'est un style. De vie, un style d'amour. Ça vous remue les tripes, ça vous prend là dans tout le corps, qui se languit sans trop savoir pourquoi, sans trop savoir comment...

C'est un léger courant qui vous porte, vous le suivez ou le laissez filer. Une voix, qui glisse avec aisance sur le monde des esprits, sur l'invisible, une voix pour s'accorder.

C'est vous, mes modèles, qui m'avez fait entendre cette musique visuelle, cette écriture symphonique, cette synesthésie de tous les sens réunis. Vous ouvrez au hasard des portes dans le noir, des portes vers la lumière. Et je ne vois plus que ça, et je n'entend plus que vous, qu'eux tous, que notre mère, que notre père, et cette source intarissable à laquelle je m'abreuve, loin de leurs sillons ensanglantés d'un sang pur, d'un sang pur comme les étoiles et qui vient tacher leur anti-conscience.

Emmenez-moi avec vous. là-haut! Ce serait formidable. De voler, parmi vous. Je sais des voies vers votre voix, je les emprunte assez souvent, quand ça me prend, quand ça me chante.

Et je gueule, je gueule si fort à l'intérieur que ma carcasse en tremble, que mon coeur fait du tam-tam, me montre un rythme ineffable. Je gueule si fort dans leur silence de nécropole que mon être s'étire, englobe assez d'espace pour que le silence de leur mort et de la décomposition ambiante soit remplacé par mon silence, assourdissant, et lénifiant tout en même temps.

Vous êtes là. Je le sais. Je vous vois vous savez, je vous entends. Et vous me prêtez vos voix sans le savoir, ou bien le savez-vous, et vous venez me visiter quand je vous appelle, alors je vous dit merci.

Merci Léo... Merci Céline... Merci Anders. Petit à petit j'ai recueilli les morceaux de mon être éparpillé, brésillé en mille milliards de mille morceaux. C'est au son de votre musique que je me suis réchauffé, lorsqu'il faisait froid et que le courage me manquait.

Les modèles, les modèles, les modèles... C'est un drôle de mot pour vous nommer. Inapproprié? Si l'on veut. Mettez-y ce que vous voulez à l'intérieur. De toute façon les gens s'en foutent! On ne reconnaît même plus les fleurs en plastique des véritables, des authentiques. L'inerte se fond dans le vivant, en fait sa deuxième peau en ces temps accélérés.

Les modèles. Certes. On pourrait discuter ce choix. On pourrait le critiquer, comme l'époque aime tant à le faire. On ne fait tellement plus rien, que le peu qui ait fait, on s'empresse de le critiquer, de l'interpréter, de donner son avis, de le discuter, de le disséquer, on a même des spécialistes pour ça. L'art est un fruit qu'ils vident de son jus sans ménagement. Parce que ça leur fait peur, la vie. Ça leur fait peur l'amour. Alors bon, laissons les discuter.

Ils discuteront, et nous, nous mangerons. Les dernières femmes se sont envolés avec la fin du monde, j'irais les retrouver parmi vous. Dieu que les femmes me manquent de nos jours. Elles ont toute déserté. Ce n'est pas possible elles se sont passées le mot ou quoi. Et elles ont cru pouvoir nous piéger, avec ces poupées faméliques, fardées et dégoulinantes de mascara, de l'embarras de leur corps étranger, qu'elles n'habitent plus. Elles ont cru nous AVOIR! et elles ont eu raison, lorsqu'on ne reconnaît plus les fleurs, il est temps de mourir. "On ne couche qu'avec des morts" disait Léo. C'est vrai. Nous on couche avec des mortes que l'on a maquillées en poupées. C'est triste le monde moderne. Pas un sourire rien, on vous rend la monnaie puis vous vous taillez, loin d'ici, loin du froid de leur rayons frigorifiques où il entassent la fausse nourriture. Morte elle aussi depuis longtemps et remplacée par le vide, celui qui tue.

Ils ne savent plus sans vous. Ils ne savent plus... Vous... Les modèles. Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font, ils ne savent pas qu'ils non vivent.

Les modèles... Nous sommes seuls. Si seuls ici depuis que votre voix est recouverte par l'acier froid et le ronronnement des machines qui tournent sans cesse, qui tournent sans mort, comme la mort.

Merci quand même...

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