vendredi 6 novembre 2009

Léopard

Un fantôme glisse parmi les arbres, dans les ombres vespérales qui épousent sa robe.
Démarche sylphide d'un autre monde, ange des ténèbres dont les motifs hypnotisent, fuient la raison. Tout le monde dort et cette présence jamais ici s'en va dans son royaume, avec l'assurance des dieux.

Des épaules musclées sur un cou épais. Une tête massive aux crocs acérés. La couleur du sable qui vient manger les contours de la nuit dans une douce transition formant cette diaprure cerclée sur le pelage. La bête marche parmi ses sujets.

Tueur solitaire à la beauté démoniaque qui fascine même ses proies. Puissant tu grimpes dans les arbres avec l'agilité du vent, tenant fermement en ton pouvoir la proie qui de ta gueule pend mollement. Tu soulèves avec célérité ces kilos inertes qui pèsent pourtant plus lourd que toi, athlète incontesté.

Les arbres, ta demeure, où nonchalant tu t'affales sur une branche et laisse pendre tes pattes dans le vide sur lequel tu sembles danser. Ta queue remue lentement, et marque la cadence de ces nuits africaines à la chaleur de plomb. La forêt t'adule et s'incline vers toi, elle te cache en son sein, puissance gracieuse parmi les apprentis tueurs. Tu es le prédateur de l'arrogance. Ton corps au repos semble agité sans cesse à sa surface, théâtre d'une danse sacrée, invocation d'une mort violente, d'une mort sublime.

D'un geste brutale, assuré mais sans orgueil, tu décides qui doit mourir pour toi ce soir. Si j'écoutais mon coeur, je t'offrirais mon cou dans la tendresse d'un ultime élan que tu briserais d'un létale éclair, et ainsi dévoré dans ton étreinte, puis digéré, je sublimerai mon être et deviendrai, moi simple humain sans grâce aucune, figure évanescente sur la toile de tes muscles insensés.

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