mercredi 9 janvier 2019

No country for all men

Le temps est mon obsession. J'ai l'intime conviction qu'en lui réside l'explication achevée de l'existence humaine. Tout est temps. On ne peut reconstruire ce dernier à partir d'une succession d'espaces, tout comme on ne peut reconstituer le mouvement à partir d'une suite de position. Le temps qui unit les états doit être de nature fondamentalement différente de l'espace. Et comme deux substances ou entités ne peuvent entrer en relation si elles sont de nature absolument différente, je ne peux qu'induire que l'espace est un effet du temps, un genre d'épiphénomène.

Je suis une durée, une concentration d'instants et de moments qui tissent le réseau de mon identité présente, de ma conscience. À celui qui pose un regard lucide sur cet état de fait, il ne peut y avoir que mélancolie. Car c'est toujours le passé qui se penche sur l'avenir.

À quel instant de ton effort, as-tu laissé glisser les moments forts de notre amour? Tous ces moments qui parvenaient, par leur entéléchie, à réaliser l'achèvement d'une idée, et donc à faire d'une durée, une icône hors du temps? Je ne cesserai jamais de maintenir en mon présent lucide la somme fondue de ces instants passés qui soufflent sur le cours des choses une couleur qui est la mienne. Tu as peut-être oublié les tremblements et les pleurs dans nos étreintes, le vécu extatique de ces intervalles d'amour parfait, mais je les porte en moi, à tout instant, en tous points de l'existence.

De ce passé nul retour en arrière n'existe, et le chemin qu'on emprunte yeux bandés n'empêche pas qu'une palinodie incontrôlée injecte par moments, dans le cours du temps, sa sève nostalgique qui fait de nous âmes errantes, les vagabonds sans logis, qu'un sort tragi-comique chasse sans relâche de toutes les demeures.

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