mercredi 9 décembre 2015

Le cavalier sans tête

Mon oeuvre n'a ni fin ni commencement (phrase d'une banalité sans égale), j'épouse le présent si bien que j'en deviens pareil au temps. Plus qu'une comparaison, il s'agit vraiment d'une fusion, car je suis le temps qui trace chaque sillon dans les sables cosmiques. Peut-être alors que lui aussi, je veux parler du temps pur qui n'existe certainement pas, garde un oeil derrière  lui et que sur chaque regard lancé au devant, se surimpose et se fond le lourd bagage du passé. Le voyageur qui va en Inde met dans l'Inde tout ce qu'il a pu vivre auparavant, ainsi, nulle Inde n'est semblable à une autre, et il n'existe aucune "Inde en soi".

Je suis le cavalier sans cheval, ou dont la monture se fait sentir par ses effets sur les choses, mais qui n'implique aucune sensation pour moi. J'ai beau regarder en tous sens, je ne vois que le monde présent et nulle part de monture. Tout au plus, je vois la longue cape froissée d'expériences de ma vie passée, tout ce long ruban diapré de mes souvenirs que je traîne comme un ciel nocturne aux mille joyaux stellaires.

La nuit, au dehors, n'est jamais aussi sombre que celle qui me suit, et dans laquelle je m'enveloppe pour me protéger parfois du froid d'exister, et pour me couvrir les yeux qui se perdent au loin, vers le néant programmé de tout ce que j'aime.

Hier est une réunion, demain le déchirement d'un adieu; ou peut-être est-ce l'inverse, mais ne peut-on précisément pas vivre toute chose (indéterminée) d'autant de manières différentes et contradictoires? Les choses elles-mêmes sont contradictoires.

Moi-même, dans mon existence insensée. Pourquoi, d'ailleurs, m'a-t-on donné le sens pour penser, pourquoi m'encombrer d'une chose qui ne peut que contempler, orpheline et impuissante, le fondement asensé de tout ce qui est.

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