dimanche 23 juillet 2017

La mort légale

Voilà un petit rap expulsé je ne sais comment d'un homme épuisé, sorti tout juste du travail, comme tant d'autres qui auraient juste souhaité être ailleurs...

Rémi rentre chez lui le regard alangui, à réfléchir à vrai dire il n'a plus l'esprit. Aujourd'hui c'était un jour de turbin, un jour pareil aux autres où il vendait sa vie comme si c'était du pain. Rémi, comme tant d'autres que lui s'affale et s'avachit, n'est plus qu'un corps sans énergie.

Tendre la main puis la tourner comme ceci, revenir demain et après-d'main aussi. Prononcer telle phrase à tel moment et de telle manière, fermer la porte derrière soi éteindre la lumière; attacher l'étiquette, retirer la languette, refermer la barrière, sourire et avoir l'air, d'être au creux d'un songe éphémère.

Rémi consume son temps de liberté provisoire à visionner des émission dérisoires, Rémi consomme le sang de son espoir pour échapper à un glouton trou noir.

À quoi ça sert de débaucher si tu n'as plus la force de profiter, la semaine d'un homme c'est trente-cinq heures d'activités pour qu'un connard puisse se toucher.

Rémi exsangue s'unit passivement au canapé, de toute façon c'est bientôt l'heure de se coucher.

Une mort légale, distribution générale à toute l'humanité moins un petit pourcentage de privilégiés. Le travail c'est la santé, c'est c' qu'on peut lire sur les écrans de nos télés...

Rémi quand il arrive au bout de sa jeunesse et que son souffle en est coupé, il n'a même plus la justesse de se rendre compte qu'on l'a dupé.

Trop tard, sa vie c'était quelques congés, et quelques heures à consommer.

Qu'est-ce que tu veux que j'te dise mon vieux, fallait jamais signer!

La mort de l'homme et de la créativité a cours en masse dans les démocratie moderne. Elle a la couleur terne d'un contrat de travail et son appât se nomme indemnité.

La mort légale est plus rentable que par balle.
Les héros d'aujourd'hui dans les poèmes sont employés.
Des zéros d'outre-nuit dont les ailes demeurent ployées.
La mort légale c'est toutes ces vies jetables,
Vendues par paquet de douze et toutes aussi banales.

2 commentaires:

elly a dit…

Très chouette ton rap...
Très réaliste aussi... Hélas.
J'ai connu les 35h dans les usines de décolletages, entre autres, et il n'y a rien de plus usant, de plus aliénant...

L'âme en chantier a dit…

Cool que ça te plaise :D

J'ai jamais fait de travail à la chaîne perso mais je trouve tout travail physique qui requiert de la concentration intolérable... Le travail intellectuel peut lui aussi être une véritable torture lorsqu'il n'a plus de sens pour toi. Je me souviens lorsque j'étais informaticien et que je n'avais plus aucune raison de continuer: réfléchir à concevoir des algorithmes pour réaliser telle ou telle fonction, m'était impossible, mon esprit refusait d'allouer ne serait-ce qu'un demi pourcent à la tâche en question... Alors qu'à la limite, soulever des cartons d'un point A à un point B, je trouve cela plus tolérable, l'esprit peut divaguer, tu te mets en pilote automatique...