jeudi 20 juillet 2017

Humble soliste

En ce moment, je tente d'écrire une nouvelle. Rien ne coule de source, toute initiation de l'acte d'écrire m'est un effort insupportable et dont le résultat me déçoit systématiquement. Là où le poème me libère, me porte un peu plus au-delà de moi - et par conséquent toujours plus en dedans -, le récit m'ampute et me contraint.

Il semble que j'aime vivre et lire des histoires mais pas les écrire. C'est un peu comme si un musicien faisait un album dont chaque morceau est dépendant de l'autre et qui, pris en lui-même, n'offre qu'une frustration de l'inachevé, l'amertume du besoin de toujours plus, comme sait si bien la produire le marketing. Moi je veux écouter ma chanson et me sentir soulagé. La réécouter s'il le faut, encore et encore, mais je ne veux pas de cette contrainte du rythme, de ce ralentissement du temps que me contraint à n'avoir l'unité d'une oeuvre qu'au bout d'une consommation fragmentée qui demande à mon âme de recoller les morceaux épars de sentiments vécus.

Néanmoins, j'ai passé des moments sublimes d'art pur en visionnant des séries au multiples saisons contenant chacune bien des épisodes. J'y ai pris du plaisir, mais je crois que je suis incapable de faire cela moi-même. Si le monde était peuplé de gens comme moi, il n'y aurait pas de cathédrale, il n'y aurait pas de réseau ferroviaire, et point d'inventions qui auraient requis des décennies de gestation. Je suis par essence un paresseux, qui cherche l'immédiat et le moindre effort dans toute création. Je suis à la recherche d'un langage apte à traduire de façon quasi instantanée mes états d'âme.

Vous me direz: pourquoi ne pourrait-on écrire un roman, une histoire, dont chaque fragment écrit est précisément la traduction d'un état d'âme précis, et dont la somme, ou plutôt le produit, donne aussi un accord harmonieux? Je n'en sais rien. J'aimerais beaucoup trouver ce mode d'écriture, mais il me semble, lorsque je veux raconter une histoire, qu'il y a bien trop de paramètres à prendre en compte, à mettre en place à l'avance, à planifier parce qu'on ne peut pas décemment les faire surgir au gré de ses humeurs (parce qu'ils servent un but). Je crois que ce dernier point est capital: je suis incapable de m'exprimer artistiquement en fonction d'un but. Je n'ai aucune stratégie lorsque j'écris, et d'ailleurs lorsque je vis aussi, je suis juste l'expression brut et naïve de ce que je sens.

Lorsque j'écris un poème, la première phrase est déjà l'expression du but. Mais est-ce bien vrai? Si c'était le cas, on pourrait lire cette première phrase et se passer du reste du texte, la chose aurait été transmise, or ce n'est pas le cas. C'est peut-être un manque de compétence et d'organisation, lorsque j'écris de la musique, je suis un soliste et non un compositeur d'opéra et de symphonies.

Peut-être au fond ne suis-je qu'un humble soliste voué à admirer la puissance créatrice de certains sans pour autant avoir le goût de les imiter. Il y a au fond tant de questions et de réponses possibles dans cette méditation... Mais d'avoir exprimé ce questionnement est une bonne chose, il est là, accroché aux cieux quotidiens, comme une exhortation. Peut-être que les vents de l'inconscient sauront produire une houle de la psyché qui finira par faire déferler sur le devant de mon attention la vague qui viendra résoudre le problème. Peut-être aussi qu'il n'y a pas de problème... C'est à moi d'en décider après tout.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"Journal d'un corps" tu connais ? C'est l'histoire d'un homme qui tout au long de sa vie a écrit comment il se sentait et comment il ressentait certaines choses au niveau corporel. Il n'y a pas nécessairement de lien concret entre les jours où il écrit , et je pense que c'est ça l'inspiration à écrire . Plus tu chercheras un lien entre tes idées moins elles t'apparaitront .
Bonne journée à toi :)

L'âme en chantier a dit…

Je ne connaissais pas. Merci beaucoup d'apporter une pierre de plus à ma méditation ;-)