lundi 8 décembre 2014

La caresse du destin

Je suis comme la fleur qui reste dépendante du soleil et de sa propre lenteur à croître pour en chercher l'éclat: il suffit d'un nuage pour venir mettre en péril mes efforts lamentables. Si je n'étais pas aussi allergique à la croyance, je pourrais bien croire qu'un dieu farceur écrit le destin de tous les hommes en réservant à certains les plus cruelles de ses farces, les plus sombres de ses détours, les plus tortueuses de ses idées. Mais je ne crois pas en un dieu alors je subis la réalité qui s'exécute et s'acharne à me cacher le soleil de ses innombrables nuages.

Les pires scénarii se réalisent toujours et les choses les plus improbables adviennent, imprévisibles et absconses, absconses comme le réel qui ne s'embarrasse pas d'une encombrante et inutile sémantique humaine. L'autre vient mêler son chaos, celui-là même qu'il porte malgré lui parce qu'un monde aphasique l'a placé là sur son petit dos d'humain, traînant sur lui un destin incompris dont il faut pourtant se sentir l'auteur. Y a-t-il un auteur à tout cela? Les pierres, les étoiles et jusqu'au vide intersidéral sont-ils les responsables de ces facéties qui sont autant de brûlures infligées à la chair de l'âme? Vivre parmi les humains, pour un homme, est un pré-requis indispensable, dès lors comment vivre parmi le monde forain qui n'a de sourires que ceux qu'on lui prête, et d'intentions que les nôtres qui nous deviennent étrangères par on ne sait quel jeu de dupe que se joue la conscience?

Pourquoi ce qui est arrivé hier est arrivé? Parce que je l'ai voulu et provoqué? Est-ce la synergie de deux volontés se penchant l'une sur l'autre et se fondant en un instant ou bien est-ce l'effet d'une chaîne causale infinie, entrecroisement d'une myriade d'indénombrables fils, ou bien n'est-ce rien d'autre qu'un arbitraire hasard, mot déterminé pour une imprononçable vérité?

Et qu'est-ce que ces histoires de subir ou d'agir, que sont donc ces déterminations? Il n'y a probablement pas de but à ce qui arrive, et l'autre qui s'en vient mettre le doigt précisément sur l'endroit le plus fragile et douloureux de mon être, parce que son désir l'y pousse, n'a certainement pas plus d'intentions que notre pantin de corps qui joue la musique qui le fait danser. Ces choses là arrivent, elles peuvent anéantir, elles peuvent ressusciter aussi, elles n'ont d'autre valeur que celle de nos sentiments et notre manière de les interpréter.

Je veux tellement comprendre que la douleur de la faille m'est quasiment insupportable, comme cette légèreté frivole avec laquelle le réel s'insère dans les interstices ravagés de ce qu'on nomme identité, y installe sa gratuité en faisant imploser tous les espoirs et toutes les attentes... L'autre que l'on n'attendait plus est revenu: l'espoir s'éveille alors, encore, fol espoir qui enchaîne à la folie; mais la venue n'est pas celle que l'on croyait bien sûr, le monde que notre volonté appelle par ce vide qu'elle s'acharne à instaurer dans l'actualité du présent -comme pour lui laisser une place d'éclore -, ce monde là n'est pas, et l'autre nous le fait sentir à sa manière de traverser nos murs imaginaires, en faisant mentir la carte illusoire par la vérité muette et asymbolique du territoire. L'autre est passé à travers nos espérances.

Dois-je comprendre quelque chose ou continuer de vivre dans l'absence de sens, portant malgré moi des espoirs qui sont autant de pièges que je place devant mes pas, portant la souffrance d'un désespoir injustifié: celui de croire que le monde est régi par les catégories de l'entendement.

Je porte mon amour, voilà bien la seule chose que je porte bien haut et sans regret ni sans peur. Puisse un jour cet élan éternel de mon coeur éphémère te redonner la confiance que tu cherches dans le bouillonnement incessant des naissances, quand tout ce que tu peux vouloir est inscrit de tout temps dans le sillon de ma volonté, et ne vacille pas malgré les mauvais tours du sorts, bien ancré dans l'écrin tendre de mon regard, celui qui te prend malgré toi et t'emmène dans un monde que tu ne peux pas voir. Le verras-tu un jour...

Aucun commentaire: