mercredi 10 décembre 2014

À travers le trou noir

J'ai traversé des trous noirs que même les dieux évitaient
J'ai renversé le destin en le foulant aux pieds
Je me souviens...

L'envers de chaque chose était une musique incertaine
Le son de l'indéterminé impossible à transcrire
J'ai volé dans les airs de ces tonalités foraines
J'écoutais l'univers et le voyait sourire
J'ai tant aimé vivre...

Les feuilles vertes et leur mystère immense
Enfant, j'interrogeais, je désirais savoir
Tragédie d'une impossible connaissance
Qui regarde le monde tel un simple miroir
J'ai cru ce que l'on racontait...


Je chemine aujourd'hui au fond de mes entrailles
Et cherche sans un bruit le sillon de mes rails
Dans l'étoffe uniforme de la pierre à la vie
Demeure la fonction qui me maintient ici
J'en ignore la raison...

Je suis un lourd fragment d'inétendue
Je suis le temps qui passe par le train des pensées
Comme une mélodie qui se veut entendue
Par l'intégralité des autres passagers
Je n'est plus qu'un chant...

En fonçant loin de moi, je me suis déchiré
J'ai commencé à voir ce que le monde a fait
De ma chair, et des joues caressées
Du sillon impossible de tout ce passé
Je me suis détesté...

Maintenant je m'en vais loin de ce miroir
Qui place devant moi du matin jusqu'au soir
Le reflet honni de celui que je suis
Antique clandestin que le bonheur a fui
Je resquille la nuit...

Je renie la conscience, j'abolis la distance
Je veux coïncider avec ce je ne sais quoi
Avec ce doux repos que semble la folie
Je voudrais m'en aller...

Quand je marche la nuit sur les trottoirs oubliés
Quand je balance mon pas furieux sur les pavés salis
Je décline un peu dans chaque larme essuyée
Je sème derrière moi tout l'espoir aboli
Je rejoins la folie...

Quand tout est terminé qu'il ne reste que moi
Substrat de vacuité qui ne se connait pas
Source pure encore intransformée
Que nul dieu cruel n'aura jamais souillée
Je demeure muet...

La voix se tait le corps prend le relais
Les battements du coeur marquent le rythme de la peur
L'air qui vient à manquer agite et compresse le coeur
Quelque chose insiste pour se dévoiler
Je vomis la terreur...

Sous les étoiles une sorte de tronc soutenu par deux branches
S'avance encore malgré lui sous les feux du silence
Fragment matériel solidaire par causalité
Petit tas de matière d'où te viens l'unité?
Je suis effectué...

À chaque trajet menacent les gouffres
Qui se tiennent tapis au sein du moindre souffle
Les amis de la vitesse qui voudraient tant que j'accélère
Braconniers de lumière assoiffés de mon air
Je traverse l'enfer...

Et le traverse encore moi qui ait le vertige
Je regarde l'abîme qui me regarde aussi
Et je tombe vers lui, je lui donne ma vie
Ma peur, la volonté, mon désir aussi
Et je m'offre à la nuit...

Tant de morts relatives qui me laissent renaître au sein d'un autre paradigme
J'aurais voulu pourtant que le dernier soit mon ultime paradis
Mais la volonté est une invention cruelle
Conçue pour être éternellement bafouée
J'ai pourtant cru en elle...

Être maître, être acteur, celui qui ferait battre ton coeur
J'ai longtemps cru que tout ce que je voulais advenait
Peut-être est-ce le cas, aurais-je alors souhaité cela?
J'ignore toutes ces choses...

Comme j'ignore toute chose d'ailleurs
Et si je crois connaître c'est que je ne sais rien
Et si je ne sais rien c'est que je suis inepte
Tant pis, il me reste l'humilité qui côtoie la grandeur
Il me reste l'amour qui tempère ma laideur
J'aime à n'en plus exister...

J'ai contemplé les cieux aux infinies nuances de mon aveuglement
Chaque étoile y était le brasier infernal de mes vains jugements
Mes aurores ne furent qu'un espoir que le temps détruirait
Je suis l'auteur de tant de promesses que le vent essuierait
J'étais si jeune...

Ma vieillesse est une jeunesse refusant de s'éteindre
La conscience qu'il ne reste que la mort à étreindre
Comme un dernier amour, aussi fort que la mort
Crépusculaire étreinte qui plierait l'Aurore
J'ai recherché la fin...

Comme on chercherait l'âme soeur
Moi qui n'ait pas de frère et encore moins de coeur
Mon âme est seule ici, à force de n'être rien
Je ne sais si je suis, pas même un simple chien
Je survis en moi-même...

Même toi aube dorée, soleil matinal qui fait naître l'envie
Tu n'as pas su enterrer ma conscience et l'incurable ennui
Qui me déporte des choses, et malgré moi m'emmène
Par-delà tout présent, en dehors de moi-même
Je t'ai suivi pourtant...

Je t'ai suivi docilement dans la rue des caprices
Emprunté chaque détours que tu nommais délice
Accroché mon bonheur le long de tes cheveux
Substitué à l'air le parfum de tes yeux
J'ai tout donné pour toi,
J'ai fait ce que j'ai pu...

Peut-être qu'au fond c'est ce que trop longtemps j'ai cru,
Il est tellement facile de croire en ses propres limites
De contenir en soi des distances précises
Des périmètres circonscrits dans des bornes figées
Les frontières sont tangibles
Je croyais les toucher...

Mais l'horizon est vague et transcende les murs
Que les sens s'acharnent à vouloir ériger
Il me faut bien, humain, tenir un semblant d'unité
Sinon qu'aurais-je à être
Et qu'aurais-je à penser...

Tu peux profiter de mon corps et aussi de l'esprit
Saisir sans un effort ce qui n'a plus de prix
La valeur de la vie vois-tu m'a désertée
Et puis je n'étais pas ce que tu convoitais
Le savais-tu...?

Ce que je raye et esquinte avec tant de constance
C'est ce contours de moi-même qui ne renferme rien
Regarde je me blesse pour sentir l'existence
Et révéler au jour le non-coeur qui est mien
Nous étions si semblables...

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