dimanche 10 février 2013

Ce que nous ignorons sur nous

La peur est toujours là, prête à surgir, elle est ce cancer qui se nourrit de nous.

Combien peuvent penser cela, se réclamant d'une pureté d'où toute émotion négative ou tout sentiment néfaste est absent? Bien trop à mon humble avis. Il n'est pas d'émotion ni de sentiment négatif que ceux que nous voyons en nous comme des corps étrangers. Il n'y a rien que l'humain ressente et qui ne s'intègre pas à absolument à son essence. Tout simplement parce qu'il n'y a pas d'essence de l'homme, pas plus que d'essence des choses. L'homme se réinvente jour après jour et tout ce qui le traverse, et tout ce qui le porte pour un temps, est une émanation de ce qu'il est, un mode d'être corrélatif.

La peur est une incarnation de nous-même à l'intérieur de nous. Chaque sentiment est un état de notre personne cristallisé en nous. Le danger est d'en faire "un empire dans un empire", car alors, et seulement alors, le sentiment devient dangereux, il est ce trou noir vertigineux face auquel l'impulsion de mort se fait plus pressante, nous enjoignant toujours plus fort de sauter à pieds joints.

Il nous faut au contraire regarder la peur et voir de quoi elle naît. Chaque chose ici bas a une ou de multiples causes. Que nous ne sachions pas les voir est une chose, mais d'en inventer de mystérieuses en est une autre. Seul celui qui s'observe comme un sujet d'étude pourra comprendre cette peur, en saisir les ramifications, les points d'attache et les noeuds qui la lient à notre être. Il ne faut pas rejeter la peur, il faut l'accepter comme on accepterait une particularité de notre physique ou encore un trait de caractère étrange. La peur, en nous mettant face à nos défauts, nous permet d'observer l'idéal, d'en faire notre horizon. Elle est un moteur qui s'actionne en nous lorsque nous en avons besoin. Mais comme toute énergie elle est capable de nous détruire lorsqu'elle n'est pas proprement canalisée.

Cette réflexion m'amène à me demander: pourquoi les hommes inclinent-ils si aisément à juger ce qu'ils ne comprennent pas? Pourquoi, lorsqu'ils voient s'agiter en eux une force soudaine, la croient-ils aussitôt l'incarnation du diable, ou d'un corps étranger désireux de s'emparer de leur âme? Nous croirions-nous suffisamment savant pour affirmer que nous possédons notre essence?

J'aimerais que vous réfléchissiez à cette question quelques minutes: une cause extérieure a-t-elle jamais pu susciter en vous un quelconque sentiment sans que vous y participiez? Le mal que vous croyez qu'on vous fait peut-il vous parvenir sans que vous en soyez le relais docile?

Aucun commentaire: