dimanche 27 décembre 2009

Le prisonnier

Avant qu'on m'enlève du monde, avant qu'on le nettoie de moi, j'habitais un petit appartement dans un quartier mal famé de Paris. J'avais d l'habitude d'être libre et de ne pas me battre pour continuer à vivre. Le quotidien n'était pas que sourires et c'est d'ailleurs pour ça que l'avenir m'a jeté là. J'ai fait une bêtise, un crime comme ils disent, c'est tout pareil, j'ai dérapé et suis sorti de la route.

Je me souviens, ce jour de Mai, ils sont venus les gardes de la paix. Ils m'ont mis les menottes aux menottes, on faisait la pair c'est clair. On m'a traîné dans un corbillard roulant, je baissais la tête, on m'effaçait. À un moment donné, le véhicule s'est immobilisé, puis la portière a coulissé, on m'a fait glisser sur des pieds morts, sur le pavé bien régulier, et on m'a ouvert les portes de l'oubli.

Du moment que j'ai franchi le seuil, tout a changé, tout a eu un prix dans mon esprit qui depuis lors jamais plus ne s'est tut.

Et aujourd'hui, alors que je me souviens sur mon lit sale, ces mêmes gardiens de la paix sont en route pour me ramener dans leur monde enchanté où les accidents sont interdits. Ça y est; je les entend... Ces pas qui m'ont tant fait cauchemardé, aurais-je pu m'imaginer qu'aujourd'hui je les désirerais tant? Les murs de cet enfer résonnent des rêves de paradis, résonnent des pas des gens maudits. Les voilà qui arrivent devant ma cellule, l'organisme veut m'expulser, il m'a bien digéré alors c'est mérité. Les clés cette fois-ci ouvrent la loquèle et la porte coulisse une dernière fois. Les hommes en bleus me montrent du respect, il faut partir, il faut revenir, je ne sais plus bien mais il y a ma tête et mes pensées qui eux ne m'ont jamais quitté.

Je me lève doucement et l'on me mène à ce même seuil avec mon baluchon d'affaires dans la main gauche. On me souhaite bon courage et moi j'avance un peu, sans me retourner, puis je m'immobilise un peu grogui. Je redessine au crayon les contours de cet homme qu'ils ont gommé, je m'imprime dur comme fer, mes premiers traits sur le papier quadrillé de la société. Je n'ai pas le droit de dépasser alors cette fois-ci je m'appliquerais. Au moins j'essaierai; jusqu'à ce que libéré, la plume de mon âme laissant perler mes pensées comme une rosée sur ce monde sans matin vienne transpercer la feuille de leur virtualité et qu'on m'oublie une fois pour toutes.

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