mardi 15 novembre 2022

Conscience, personne, liberté chez Kant

La personne (le pour-soi) se différencie de l'objet, de la chose (l'en-soi), par cette conscience qui la met à distance d'elle-même. C'est cette nature duale du sujet humain qui va justifier chez Kant le passage de l'ontique au déontique, ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes.

Certes la conscience nous met à distance de nous-même par un acte réflexif, et permet ainsi au sujet d'envisager une autre trajectoire que celle que déterminent ses états empiriques. Mais envisager un autre possible n'est pas pareil que de connaître un droit chemin, que de savoir ce qu'il faut faire. La conscience ne nous place face à aucune autre loi que celle du possible que seules des croyances (ou postulats pour reprendre les termes kantiens) peuvent structurer en déontologie.

Autrement dit la dignité humaine ne provient pas de la conscience mais de la croyance. La conscience ne dévoile en rien une échelle de valeur qui fournirait un critère de jugement des actions et pensées humaines, elle ne fait qu'apparaître le possible sans jamais prêter à un seul une quelconque supériorité de principe par rapport aux autres. Le mode d'être du pour-soi ne fonde absolument pas la morale, seulement ses conditions de possibilité. La morale n'est fondée que sur l'autorité de jugements qu'on érige au statut de postulat, d'axiomes.

Par ailleurs on ne sait pas si la conscience fonde nécessairement la liberté: il est tout aussi bien possible de penser que le sujet transcendantal est déterminé par d'autres lois que celles de la nature, ou bien par des lois de la nature que nous ignorons (ou encore par une telle intrication de facteurs qu'on ne parvient plus à en analyser l'écheveau). Ainsi le sujet conscient, la personne, serait simplement la relation entre deux entités (transcendantale et empirique), permettant une mise à distance au sein même de l'unité (la synthèse des états empiriques agit comme une force qui lierait les particules dans l'atome), toutes deux déterminées par des lois.

Kant était tout à fait conscient de ses problèmes et c'est lui qui montre, avec une acuité nouvelle, à quel point le monde humain est tissé de croyances nécessaires. Ce sont elles qui fondent la structure de l'existence humaine: en l'homme, tout n'existe que par un acte de foi. Seule la sensation brute ne nécessite aucun acte de foi, mais l'organisation des sensations en perceptions et, plus généralement, en un monde connaissable, ordonné, ne peut se faire que sur le fondement de croyances organisitrices, de principes fondateurs.

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