jeudi 3 novembre 2016

De quel étrange bois?

Qu'ai je bien pu perdre en route, pour me sentir aussi vide? Quel trésor enfoui dans les décombres d'un passé rutilant ne m'offre plus aujourd'hui les caresses lénifiantes de sa clarté profonde? Serait-ce toi, encore?

Il m'arrive par moments de me sentir comme une eau croupie, sans mouvement, sans point de fuite pour qu'advienne le flux courant qui produit un destin. Je suis désormais sans avenir, sans trajectoire et sans horizon. Cloîtré dans une zone de confort où stagnent les eaux dormantes du possible, privée du filtre d'une terre à travers laquelle jaillir à l'air libre des actes mondains, dans ce monde où vivent les hommes et la somme fondue de leurs actions.

Il est certes agréable de n'être qu'un oeil, glouton et riche de tant d'images, de tant de savoirs qui se défont dans l'inconnaissance. Il est parfois profondément épanouissant d'être la tranquillité contemplative d'une conscience pure, mais inéluctablement, un ressac finit par vous ramener vers l'intranquillité intrinsèque qui a pu produire ce moment de répit.

J'ai des fourmis dans l'oeil, il me pousse mille pattes depuis la rétine, et la surface lisse de ma cornée frémit et bouillonne de tant d'intentions, bande l'arc de sa volonté hégémonique vers bien des cieux, dispersant ainsi mon énergie en vaines contemplations oisives qui toutes s'annulent pour me laisser sans direction.

Trente années d'existence pour en arriver là: au milieu d'une mer de possibles où proviennent de chaque directions d'exquis parfums incomplets, que seules les effluves des autres peuvent compléter...

J'aimerais être un héros de guerre, sans crainte, farouche et craint - j'aurais pu l'être si je n'avais pas arrêté le combat...

J'aimerais être un écrivain, plein de romans et de philosophies aux architectures sublimes - j'aurais pu l'être, si je ne m'étais pas abandonné à l'inertie...

J'aimerais être l'homme aimé de toi, le soleil que tu disais t'éclairer - j'aurais pu l'être, si je ne m'étais pas enfui en moi...

J'aimerais être ce pirate informatique à la puissance illimitée, sachant des choses que tous ignorent - j'aurais pu l'être, si je n'avais pas rejeté les machines et le réel virtuel...

Aucun bourgeon n'a pu devenir une fleur, chacune de mes humeurs passant sur tout cela comme un mauvais hiver qui stoppe tout, emportant promesses de fleurs et de fruits dans un vent de dédain et de mélancolie.

Quelle est donc cette espèce d'arbre que je suis, avec en son centre une sève qui ne circule plus qu'en boucle restreinte, n'alimentant qu'un coeur de vie, embryon pétrifié sur le chemin de sa croissance et qui toujours rebrousse chemin vers son néant d'origine? Il y a des arbres qui sont beaux et appréciés, par ce qu'ils offrent d'eux à la lumière, par leurs formes esthétiques et leurs couleurs diaprées, mais que pourrait-on faire d'un arbre où tout n'est que richesse ravalée, harmonies celées qui se taisent dans le silence mat des fibres?

J'aimerais que quelqu'un d'autre donne un sens ma vie... En ce qui me concerne j'abhorre bien trop cette expression pour m'en préoccuper.

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