lundi 31 octobre 2022

Peinture de nous

Dans l'ondoiement crépusculaire de ces vallées chlorophylliennes s'affiche l'horizon radieux d'un destin suspendu, entre deux nuits -- parmi tant d'infinis possibles -- qu'on aurait figé là, derrière les vitres d'un salon moderne, à travers les vitraux du salon-cathédrale où nous portons l'un sur l'autre ce regard accordé de deux âmes amoureuses -- et tout cet agencement de réalité semble figer en son dessin tous les soleils de tous les mondes heureux.

Je vois, à la proue de cette nef de vie, par le hublot de nos lueurs, le monde inexorablement tanguer, tandis que pour la première fois, la peur et le dégoût de tout cela me quitte, l'espace d'un instant qui, je l'espère, subsumera ma vie.

Ils ne comprennent pas, de leurs passions tristes, cette existence christique qui noue nos deux regards et semble un tant soit peu apaiser, une part de la souffrance du monde vacillant.

Ils ne comprennent pas...

Et nous ne comprenons pas, non plus, ce qu'ils comprennent au fond, depuis les fondations de leurs entrailles et de leurs cœurs, enfermés que nous sommes dans un style -- tous... autant que nous sommes.

À la proue de cette église, témoin silencieux de notre religion, sur la bastingage du jour qui décline, comme une marée lumineuse dans l'océan de nuit avec ses moutons d'espace-temps, sa houle gravitationnelle, portés par cette spire galactique nous existons parmi tant d'autres âmes: excessivement rapprochés et néanmoins infiniment seuls.

Nous ne faisons signe vers rien. Nous sommes de ce Tout, défectibles et sublimes.