"Soyez aimables car ceux que vous rencontrez livrent une dure bataille"
Philon d'Alexandrie
Parfois le monde vous accorde une trêve et fait cesser, pour un temps, le déluge d'emmerdes qu'il s'indiffère à voir tomber sur vous quotidiennement -- jusqu'à tassement des vertèbres de l'âme et aplatissement total de l'être. Ces moments là, on peut croiser son semblable sans voir en lui l'insupportable synthèse de sottise et d'assemblage hétéroclite de qualités péjoratives qui le signalent habituellement, de manière presque olfactive, à notre esprit. On peut baisser les armes et cesser de voir les choses à travers le frémissement d'une rage constante, on peut jouer à se faire croire, même, que la guerre est finie, que l'on n'y prendra plus part, qu'on ne s'y fera pas reprendre une énième fois.
Mais c'est sans compter l'éclair fugitif qui vous fait entrevoir soudainement l'épée de Damoclès suspendue dans les cieux, les yeux d'autrui, la malveillance administrative, l'indifférente exploitation de l'homme par l'homme, etc. Trop tard, elle s'est rappelée à vous, vous la sentez effectivement sans même que l'objet vous soit donné par un quelconque sens externe. Impossible de se reposer, impossible de ranger sur le ratelier l'immense fléau qui vous sert de maigre renfort pour repousser le mal qui croît et prolifère dans les débris du "monstre bipède". Ce n'est qu'une question de temps, il faudra de nouveau se faire piétiner heure après heure, éviter les crocs trainantes des hyènes alentours qui cherchent à lacérer tout ce qui dépasse d'idiosyncrasie -- c'est-à-dire à la fois votre indignité et votre dignité -- tout en continuant d'appeler ce jeu la vie cordiale entre sociétaires égaux et fraternels.
Inspire un grand coup agoniste, chaque aube et chaque crépuscule un combat hors-catégorie.