Il y a des vents sourds parfois, qui balayent au ras du sol une herbe tendre qui brûle au soleil. Ce soleil qui est toujours celui des autres, le grand soleil des mille obligations. Et l'herbe souffre et le vent qui la bat emporte au cieux si chaud la précieuse vapeur, la sève de cet élan.
Dans une plaine aux vents qui hurlent, la tige ploie et tient toujours, jaunie par l'astre qui assèche, inonde sous ses feux les choses alentours. Il y a des vents qui vous rossent, des astres qui vous tuent par leurs regards constamment allumés; qui referment sur vous une prison de solitude aux barreaux de lumière. Ce sont les yeux des autres qui dardent des lois vaines, et néanmoins cruelles; qui clouent le corps et l'âme en un circuit universel -- les systèmes ont des veines. Les systèmes, ont des veines...
Quand enfin l'émeraude mate des brindilles effritées n'est plus qu'un souvenir avalé par la Terre, que reste calciné dans les rets sidéraux le cadavre dressé de ce qui fut un jour naissant, alors la victoire est totale de ce qui, dans les cieux omniprésents, détache de notre être des qualités abstraites, alphabet minéral d'une langue abolie.
Entendez le silence de ces plaines, abîme entre les choses; ressentez la digestion du monde, qui brise toute altérité. C'est en ces terres désolées que je vis, tapi dans l'inétendue d'âme, anéanti durablement, fermement locataire d'un souffle suspendu.