Les Dimanche soir m'oppressent avec leur lourdeur d'avant-orage, leur atmosphère engourdie de calme avant la tempête.
Le monde est minuscule les Dimanche soir, il se recroqueville sur lui-même, on ne peut échapper à rien. L'étau se resserre, la semaine vient nous avaler et on se terre chez nous comme des enfants apeurés.
Le Dimanche blesse, il me rappelle combien j'aimerais quitter cet endroit, quitter les obligations, quitter ma vie.
Je pourrais marcher des heures ces moments là. Des minutes à égrenner mon spleen dans des rues trop étroites où les gens se regardent agressifs, méfiants. Des secondes où le bonheur s'envole vers des contrées où la nuit se tait, où le soleil hurle.
Et elle me parle des gens qu'elle a croisé, avec lesquels elle s'est mêlée. Des gens que j'ai connu, dans une vie passée, que je pensais révolue à jamais. Une vie qui revient petit à petit me mordre les talons, une vie qui revient en traître me dire qu'elle a déjà fait main basse sur les personnes que je rencontre, bien avant moi.
Elle me parle de sa vie, des gens qu'elle aime, qui la font rire, qui la font vivre. Et moi je ne vois plus le sol que je foule, je regarde à travers les choses, je ne vois que tous ces murs, et cette gravité qui me retient, cloué...
Je ne peux plus aimer comme les autres. Je dois être fait pour parcourir le monde, parcourir les gens, les activités, la vie.
Les rues sont vides pendant qu'on marche, je sens la présence de la gare proche. La gare et ses rails qui sont autant de ponts dressés vers la liberté ou son illusion. La gare m'appelle, elle m'appelle sans cesse les Dimanche soir. Mais elle n'appelle que moi, je partirais seul, je serais seul toute ma vie.
Et elle me parle de ces hommes, ceux qui l'ont aimé. Je n'écoute qu'à moitié, chaque mot m'étouffe un peu plus, resserre cette main autour de mon âme. Je ne veux pas entendre ces autres, je ne veux pas voir tous ces liens qui l'attachent à eux, à des lieux, à des époques.
Je marche absent au monde. Je suis à côté d'elle et mon spleen me grise, il me dit que je suis seul et que rien ne me retient, pas même elle. Il me dit que tout cela est absurde et que je n'ai décidemment rien à gagner à vouloir faire comme les autres. Il me dit de partir, de ne plus rien posséder, de ne plus rien désirer, comme avant. Pas même elle.
La manière dont vivent les autres n'a aucun sens pour moi, cette vie là me détruit. Elle fait de moi un prisonnier des autres, un étranger à moi-même.
Je veux m'en aller, loin de toi, loin de tout.
Ce tout... Si dérisoire...