Si ma constellation littéraire formait un paysage, elle serait un vaste champ diapré de fleurs au ras du sol: pâquerettes, violettes odorantes, véroniques petit-chêne, gaillet-croisette, lamiers pourpres, primevères, peut-être quelques compagnons rouges et, sporadiquement, quelques-unes un peu plus hautes; mais, jamais, nulle part, aucun de ces palais de carbone gigantesques que font les arbres de canopée, aucun projet grandiose s'élançant tel une Babel entếtée vers un ciel d'achèvement. Je n'aurai su produire que par fragments, des petits pétales sans calice qui jonchent un sol étal et plat, sans éminences car sans les moyens nécessaires à cette prétention de construire patiemment l'unité d'un chef-d'œuvre.
Je suis cette prairie quelconque à peine distinguée des autres, et qui produit des fleurs qui sont le fondement possible d'indéfinis bouquets, d'agencements grandioses que nul n'aura réalisé -- un matériau, un possible, à jamais égaré.