dimanche 2 avril 2017

Gaouri

Nous les enfants de l'immigration, les toujours-en-exil, nous sommes des déportés à perpétuité. Ne pas appartenir à un pays mais à plusieurs c'est n'être jamais à sa place, voué au voyage incessant, à toujours rechercher le mouvement parce qu'en lui réside une part de ce que l'on est.

Ce vide ontologique que l'on peut ressentir parfois n'est pas l'appel de la création, comme je l'ai cru, mais il est le fossé qui existe entre deux ici et deux maintenant irréconciliables, et dont la présence se fait sentir dans le silence, dans l'immobilité, dans les enceintes familières dont les murs nous renvoient toujours des échos étrangers, faisant de nous les forains de la Terre entière.

Toi enfant de l'exil, tu n'es fait pour rien, tu n'as point de terres, même le mouvement n'est pas un lieu pour te reposer puisque tu y es en transit entre deux lieux qui ne sont ni complètement chez toi, ni exotiques. Tu es l'être des intervalles, cherchant son air entre inspiration et expiration, l'enfant du rivage évanescent des horizons lointains qui se dérobent comme tes aspirations. Tu es l'enfant sans religion, sans haut ni bas, sans bien ni mal; tu désespères de l'espérance et tu espères le désespoir.

Toi, étranger, gaouri, tu es celui qui cherche et chercheras toujours cette achronie utopique où coïncident enfin tes identités multiples.

Toi âme d'ici et d'ailleurs, tu es le sans repos, le sans logis, celui qui traîne sa nudité à la lisière des heures.

Rien ne tient jamais dans ton escarcelle, tu es le vase des Danaïdes, percé de part en part et jusqu'au coeur. Tu ne saurais choisir puisque ton désir bande son arc vers des cibles différentes, et tout ce que tu finis par avoir te laisse un jour indifférent.

Ainsi la vie te passe à travers, comme un long coup de vent, érode ta carcasse et le tissu de l'âme. Rien ne s'accumule en toi, goulet d'étranglement d'un sablier reliant deux infinis déserts. Tu entends bien la vie qui s'écoule, mais tu n'es pour les autres, et pour toi-même, qu'un témoin de l'existence, une pièce aux miroirs où s'enfuit la lumière.

Pauvre de toi je te plains, tu te regarde te regardant regarder, mise en abyme d'une mise en abyme, où donc s'achève ton chemin?

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