lundi 20 juin 2016

L'enfant des braises

Le soleil a beau faire le tour de mon ciel, ici rien ne bouge pour moi. Les journées passent mais je reste figé dans la posture du chat en alerte, les yeux aveuglés par je ne sais quelle lumière, une lumière sans connaissance qui ne convoie nulle image et seulement éblouit.

À quoi sert le temps quand j'en suis la mesure? La danse absurde de mes souvenirs lorsque repose ma tête vide sur l'oreiller moelleux. Cette danse, que sert-elle? Pourquoi cet agencement de gestes qu'est cette vie singulière qui me fait échouer là, sur un lit une place, comme un esquif brisé sur des récifs mous?

Toujours les mêmes questions, de l'enfance à l'âge adulte, d'un concept fumeux à un autre.

Dans cette petite histoire sans prétention, j'aime le passage fugace de ces personnages secondaires, et qui pourtant charrient tout le fond du récit. Ce rasta défoncé qui passe parmi nous, d'un coup de vent, comme une traînée de liberté... Ces petits personnages, ce sont eux qui permettent de confondre la vie et les histoires que l'on raconte.

Je ne sais pas bien ce que j'attends dans mon lit, les yeux ouverts sur l'infini que voile un plafond lisse, support de mes songes. Il me faut attendre la suite du film, ce film avec ces longueurs comme la vie, avec ces petits détails du quotidien sans importance - est-il une chose qui a de l'importance? J'ai réussi au moins une chose: je suis véritablement devenu un poème, je sens qu'on me goûte avec plaisir, c'est au moins ça de fait dans l'existence...

Depuis les cauchemars de l'enfance, en passant par les parties de foot et les bonheurs de surface du chiard, depuis la révolte et l'incompréhension face aux rails d'airain de nos destins sociétaux, chaque évènement n'était qu'un prétexte à écrire ce petit bonhomme, ce petit homme de poésie qui sème dans son errance quelques rêves dans la tête des gens, quelques désirs chez quelques femmes, une poignée de rires dans la nuit.

Et tout ceci orbite autour de ce vortex abyssale qu'on peut seulement nommer, celui-là que je n'ai pas choisi mais qui fait tout tenir, comme des projections de lumière en son coeur obscur.

J'ai beau tremper mon stylo dans ma vacuité intime, il n'en ressort nulle semence et nulle beauté sublime. À croire que ce journal inepte a fini par assécher toutes mes croyances, ou du moins chaque profil d'une esthétique de l'incroyance. Ce journal qui est maintenant terminé me laisse seul et vide comme autrefois, comme le temps d'avant les mots bien agencés, et l'illusion du devoir accompli - ou devrais-je dire celle du sentiment créatif. Mai ce que j'ai créé tout le monde s'en fout, même moi qui m'en détourne aujourd'hui et ne sait plus qu'en faire. J'avais en bon stoïcien aboli tous les buts, je croyais m'être détaché du skopos et voilà que je me retrouve en errance, à chercher un horizon où tendre ma flêche empoisonnée. De toutes façons j'ai manqué chaques cibles, dès lors que j'ai tendu le bras.

Autant marcher vers rien, sans plus prétendre à échouer quelque part, puisse le destin prendre en main chaque lendemain. Je n'ai que faire de mon destin, et même de mes lendemains. Je suis blasé, comme un enfant vieilli trop tôt par sa lucidité. Pourquoi donc cherché-je à écrire tout cela, quelle vide insupportable je tente de combler avec mes pelletés de mots que je jette sur des plaies brûlantes. C'est toujours la nuit que les plaies se font le plus douloureuses... Parce que la nuit, la seule clarté qui me parvient est celle des origines, de ces brasiers infernaux et sans buts connus qui se peignent par milliards sur les cieux endormis. Ne puis-je être heureux silencieux? Ne puis-je être heureux tout en sachant muettement que mon existence est un postillon de destruction, une minable éjaculation de lumière dans la nuit des temps?

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