lundi 10 août 2015

Magma

Marcher dans les sombres prairies d'un pays sans armée. Est-ce un rêve, une idée, une chose appartenant au réel extérieur?

La douleur logée dans le ventre qui est telle un mauvais coup de pied jeté dans le tas recroquevillé et endormi de ma rage. Celle-ci qui s'éveille tout d'un coup, les yeux grand ouvert, la rage devenant le monde et chaque phénomène.

Partout, sur le manteau périssable des jours, je trace mes symboles (incantation dérisoire vers on ne sait quel ailleurs ou envers des choses), incise le poids nul de ce que je crois être moi: étrange et pathétique scarification du réel que je prétends croire me faire exister. Là, jonchant les murs virtuels jaillissant d'un réel hypothétique, et probablement tout aussi virtuel (puisque simple idée), jetés ça et là, les fragments de mon âme, les humeurs que la souffrance amène au-dehors.

L'écho de dinosaures depuis longtemps mâchés et remâchés par les intestins de la terre parvient encore jusqu'à d'antiques oreilles qui sont miennes. Qu'entendent-elles au juste, de quel non-temps et de quel non-espace viennent ces ricochets sonores qui font de moi cette curieuse singularité sans attache, sans place où exister autre que la non-localité d'un mouvement sans but; d'un mouvement qui s'étire au-delà du temps et de l'espace, vers une idée impensable que pourtant je garde en moi comme un trésor perdu.

Le grincement du métal sur le bitume rugueux est le bruit de mon tourment. Moi, carlingue usée qui traîne son inertie sur des routes que j'imagine inempruntées et qui, pourtant, ne sont que les autoroutes de toutes les vies.

Et le goût des choses? Ce goût que je crois singulier et qui, pour autant que je sache, pourrait être le même que celui des autres. C'est l'impersonnalité possible de ma personnalité qui amène au bord de mes lèvres les cendres de saveurs inconnues. Je ne sais rien.

Je ne sais rien et j'ai voulu écrire des philosophies lors même que pulse dans mes idées silencieuses plus de profondeur et de densité que dans les verbes de chaque langue humaine et non humaine. Vulgarité de ma vie passé, regard que je porte désormais sur ces choses, mais regard transitoire, c'est du moins ce que je crois savoir.

Je vois, derrière le rideau de mon arrière-boutique, des plages qui m'attendent à l'autre bout du monde. Je vois une langue de terre bordée par deux océans gigantesques, je vois ses cotes effilées caressées par la main délicate et virile de l'eau. Je suis une femme, une femme ardente et qui désire la main du maître, je pourrais bien offrir ma vie à tous les Poséidon de l'univers.

Des images de cette planète sans atmosphère, en prise directe avec l'immensité sidérale et silencieuse, dansent en demi-teinte dans ma tête toujours un peu endormie. Cela fait-il un bruit inimaginable lorsqu'une étoile explose là-bas, ou bien est-ce le silence qu'impose au son le vide? J'aime l'idée de ces inconcevables explosions d'énergie se produisant sans un bruit. Je regrette peut-être un peu de n'être pas à leur image: moi, lorsque je détruis la concrétion éphémère de ma planète intime, il se produit du vacarme sous la forme de mots que déversent mes mains comme un pleur. J'apprends à me taire.

Dans quelques milliers d'années, quelque part dans un lieu du ciel lointain, vivra peut-être un descendant de mon esprit, sur quelque planète orbitant autour de quelque étoile coruscante. Je pense à lui de mon temps et de mon lieu, et peut-être à son tour imaginera-t-il un ancêtre idéel, qui pourrait être moi, quelqu'un ayant passé par là et qui le comprendrait dans ses ruminations nocturnes. Je t'aime avant ta venue humain, frère stellaire.

Je suis seul désormais, la liberté est une amante exigeante qui n'hésite pas à faire mal. Je demeure tout seul avec la violence de mes départs et de ce que les choses que je laisse en arrière pourraient prendre pour des abandons, quand je les aime de tout mon coeur et ne pourrai jamais m'en détacher.

Une dernière chose, juste un post scriptum à ce texte insensé. Je t'aime Aurore, et tu persistes en moi comme un ciel sous lequel je m'éveille chaque jour. La solitude est l'état sans lequel je perd conscience vois-tu, et seul, je ressens comme jamais, l'onde fleurie de ta présence.

4 commentaires:

Sorsha a dit…

J'espère que cette dernière ne te fait que du bien. Je te souhaite une longue et agréable vie, avec toute la liberté dont tu as besoin.
Avec tendresse.

A.

L'âme en chantier a dit…

La présence, même phantasmée, ne me fait que du bien. C'est l'absence qui est douloureuse, l'absence d'amour. Le mien n'est altéré ni par la distance ni par le temps, c'est un fardeau que j'accepte de porter.

L'Aurore me manque. Mon coeur ne semble sensible qu'à ses lueurs.

Je ne sais par quoi terminer ce message, aucun mot ni expression ne semble appropriée.

elly a dit…

Étrange, et mélancolique... C'est ainsi que je ressens votre texte...

L'âme en chantier a dit…

Ce qui est étrange c'est que cette mélancolie n'est rattaché à aucun passé dont je sois pleinement conscient, simplement à un passé possible, ou même un futur passé possible dont je ressens pourtant le possibilité comme une présence actuelle.

C'est un sentiment étrange, que probablement j'entretiens ces derniers temps.