mardi 14 juillet 2015

L'enfant

Ma vie est un suave et curieux poème dont mes écrits ne sont qu'une ombre sans relief et terne.

J'ai retrouvé l'enfant qui sommeillait en moi, je suis redevenu celui que j'ai toujours été. Et tout me semble un chant, le monde même une somme de champs où s'égarent mon pas joueur et mélodique, sans hâte et sans destination.

Aujourd'hui je sens que cette vie n'est qu'un passage. Ce que ces autres récitent comme une antienne, avec une ferveur toute religieuse - et qui n'avait alors, pas plus de sens pour moi que l'éclat terne des trésors - est désormais une expérience que je ressens par tous les pores. Peu me chaut que tout cela soit faux, il n'y a pas de règles, pas de critères non plus, il n'y a que mes songes et les pensées tenues.

Je n'ai plus d'intérêt pour les textes endormis dans les plis de la toile; si ce n'était le cas, quel genre de fétichiste dément aurais-je alors été, chérissant les formes d'ombre que le soleil projette, et jusqu'aux traces que mes pas moulent sur le sable des jours?

Je ne suis plus cet homme (du moins totalement), me revoilà enfant, et ce que je récolte a l'attrait éphémère des galets ramassés, des secondes égrenées. Brûlons ces textes, l'âme a chanté, elle n'a que faire du passé.

Je sens aujourd'hui, comme une vérité apodictique, que je fus toute chose: l'écureil comme la nuit, le soleil comme la pluie. Il me semble que tous les autres ne m'ont rien appris, c'est toujours de moi-même qu'est venu l'enseignement, c'était toujours moi qui me resouvenais. Le monde est une projection de mon âme, chaque chose un reflet des idées. Je redeviens tout, tel un dieu amnésique recouvrant la mémoire, je redécouvre tout et tout cela me revient.

Je suis chaque chose, de l'ignoble au sublime, de l'atome aux sphères ultimes.

Je suis l'enfant qui rit le monde en cascades, et chaque larme, chaque geste est un morceau de cieux que je fais advenir.

Cette conscience depuis laquelle j'écris est l'inverse nécessaire de ma totalité. Moi multiple, dans un fragment uni je me suis limité. Et le monde est ce dialogue halluciné que j'entretiens avec moi-même, entre ces deux moi qui se regardent comme deux étrangers.

Je fais l'amour, j'aime jusqu'au temps, dans chaque étreinte une mort pour jalonner la course sans fin, le déploiement éternel de l'indéfinité.

Je fais l'amour avec la mort, je suis l'enfant, la source de tous les trésors.