jeudi 2 avril 2015

L'île aux félins

Ce n'est pas une déclaration d'amour
Mais une mise à mort

Sur le dos ridé de l'océan inlassable
Sur les flancs irisés de ce monde inclassable
Dérive ma pagode fragile et minable

Tout converge vers ce point du passé
Où sont retenues les moments de ma vie désossés
Et où je sais qu'accostent tant d'aventuriers pressés

Là, sur le dos de la vie, vogue ton navire
Grande île effilée sur laquelle je chavire
Et que jamais je n'aurais su ravir

Les habitants là-bas sont tes propres reflets
Les arbres exhalent dans l'air des parfums sucrés
Tout, jusque dans la moindre couleur, une sombre beauté

Je me souviens comme avec toi je vibrais autrement
Je n'écrivais ni ne pensais, je vivais librement
Je sais aujourd'hui grâce à toi, que l'on peut être simplement

Mais le monde qui un jour s'ouvre à vous
Peut aussi se fermer
J'ai donc pris la route, et rejoint l'océan

Mais quelque part sur cette île est enfoui mon plaisir
Déchiqueté, éventré par tes allures félines
J'ai pris tout en donnant, j'aime la rose autant que les épines

Mais j'aime aussi ô combien le vaste océan
Ma route et mon chemin sont à jamais le mouvement
Pourtant où que j'aille, résonne encore l'écho de tes chants

Le souvenir asséchant de tes almes sourires
Un amour ensablé qui ne sait resurgir
Cette part du bonheur qui s'est laissée mourir

Sur l'île aux félins d'autres que moi viendront subir
Le diktat de tes formes et la violence de ton désir
Cette soif de vengeance que rien ne peut tarir

Je ne sais s'il reste encore sur tes plages immenses
La trace éphémère de ma si longue errance
Ou si subsiste mon image dans tes exquises danses

À moi, en tout cas, vagabond du destin
Me reste ce trésor maudit, le souvenir d'un regard
Auquel je suis enchaîné, comme l'aurore à la nuit