dimanche 1 avril 2012

Le silence de l'ignorance

Il m'a été donné, il y a peu, la remarquable expérience d'entendre quelqu'un me dire: "tu ne peux pas comprendre" en parlant de sa passion. Et cette même personne refusait pourtant de répondre à mes questions car elle les jugeaient inintéressantes. En fait, toute tentative de comprendre l'expérience vécue par mon interlocuteur était d'emblée vouée à l'échec puisque celui-ci avait décidé que la conversation ne lui apportait rien et ne daignait pas nouer un dialogue. Rationaliste convaincu, cette attitude piqua ma curiosité: pourquoi diable ne pourrais-je comprendre quelque chose si on me l'explique? Alors je demande naïvement la raison de ce refus. "Parce qu'il faut le vivre pour comprendre". Alors là, les choses s'éclairent un peu pour moi, en effet, l'expérience est une partie de la connaissance nommée 'empirisme' et elle a son lot de bonnes choses à apporter. Cependant, existe aussi une connaissances théorique qui elle aussi a son lot à apporter, chaque mode de connaissance étant complémentaire de l'autre. Mais depuis quand l'expérience n'est-elle pas partageable sous forme de connaissance par l'intermédiaire du langage? S'il fallait à chaque fois vivre les choses pour les comprendre, à quoi serviraient les sciences, les livres d'histoire et le langage lui-même? Tous les auteurs pourraient ainsi dire à leurs lecteurs: "désole, nous cessons d'écrire, ça ne sert à rien, vous ne pouvez pas comprendre."
Les scientifiques ne divulgueraient pas leurs résultats, attendant de chaque curieux qu'il suive lui-même les mêmes expériences qu'eux. Enfin nous ne communiquerions plus entre nous, car les mots ne pourraient servir à une quelconque compréhension, il faudrait que chacun vive ce que l'autre vit afin de le bien comprendre. Ne faut-il pas préférer au silence de l'ignorance, une certaine connaissance, quand bien même superficielle, des choses?

Voilà comment je fus confronté à l'absurdité d'un monde qui se clos sur lui-même, persuadé qu'on ne peut le comprendre, et qui à force devient réellement inaccessible. L'obscurantisme a encore de beaux jours devant lui.