lundi 7 décembre 2009

Langage

Parfois je ne sais plus si je dois m'exprimer en prose, comme si je m'adressais à quelqu'un d'autre ou à moi-même; ou bien si je dois parler en vers, avec la poésie de l'âme déposée dans les mots. Et puis, il y a la musique aussi, quand je prend ma guitare pour improviser, c'est comme un enfant qui voudrait parler, qui voudrait hurler, qui voudrait pleurer avec un langage qu'il ne perçoit qu'en partie, avec un langage qui le domine.

Toute cette frustration de ne pouvoir m'exprimer aussi librement que ma pensée l'exige, vient se concentrer sur ma réflexion et la fait s'interroger sur la nature de cet homme; cet homme qui s'exprime avec tout ce que le monde lui fournit d'intermédiaire.

Si je devais définir l'homme, je dirais: être vivant à l'étonnante capacité de produire un langage à l'aide de tous types de supports imaginables. Finalement, l'homme c'est le sens. Nous n'aurions pas de langue que nous communiquerions à l'aide de poignée de porte, nous imaginerions bien un code pour se comprendre. Quelque part, l'homme met de lui un peu dans tout, puis il se trouve aussi un peu partout. Foucault dit que le langage existe en dehors de l'homme qui, lui, ne fait que "scintiller dans l'éclat de son être" le mot. Si c'est bien l'homme qui a inventé le langage, alors c'est peut-être en cela que l'humanité a réalisé son plus grand souhait: l'immortalité. Le langage une fois crée a acquis son existence propre, et ce à tel point qu'il en domine même son créateur. Vous savez, ça me fait un peu penser à ces langages informatiques qui se réécrivent eux-mêmes. Lorsque Kernighan et Ritchie ont inventé le langage C par exemple (à l'aide d'un langage appelé 'assembleur'), ils l'ont ensuite réécrit avec lui-même...

En fait, Foucault avait certainement raison: lorsqu'on retrouvera l'unité du langage, la figure de l'homme se sera alors complètement dissoute en lui. L'homme n'a pu exister qu'à travers les lacunes du langage. Et puisque tout est potentiellement langage, tout est donc potentiellement humain.

Je me perd parfois, à trop vouloir écrire, je laisse les mots me dominer et ma pensée se faire guider vers cet absurde verbiage. C'est plus sûr de penser en silence, dans le silence de l'âme. Quoique même ce royaume a été colonisé par le langage et reconstruit par lui.

J'ai l'impression de refaire le chemin en sens inverse, plus je réfléchis, et plus les choses se brouillent, plus la simplicité vient effacer le bruit. Lorsque je veux retrouver l'origine de ma pensée, le langage m'en détourne, et je lance des cris dans ma tête, des cris qui n'ont plus rien d'humain.

Je ne sais plus comment m'exprimer, il faudrait fondre tous ces moyens d'expressions dans un langage ultime qui se détruirait lui-même dans une sorte de big bang perpétuel.

Si je pouvais cesser d'être humain, je pourrais enfin, peut-être, comprendre la pensée.