vendredi 26 juillet 2024

Deuxième cerveau

Si je ne me lève pas au matin, vacillant sur mes échasses molles, claudicant vers l'excitant matutinal comme un camé en manque; si je ne répond pas présent lorsqu'une dent de la Grande Horloge, qui porte mon nom, s'enclenche lourdement; si je ne m'astreins pas à courber ce corps ingrat face à l'écran plus ou moins docile pour y déverser quelques songes aussi vain que la Création -- et qui pourtant forment le noyau d'une vie:

une seule chose en ce méta-système changera-t-elle d'un iota?

Si je ne fais rien, alors rien n'adviendra: je continuerai de vivre la vie d'un genre d'être sis entre le règne végétal et fongique, une synergie d'organes ergotant poursuivront sans relâche leur prêche infâme sous la voûte du Grand Nihil et le souffle transparent de mon haleine continuera à gonfler un genre de tonos qui dessinera sur fond d'azur la silhouette pithécanthrope de ce Je irrémédiablement autre.

Il faudrait arracher une fois pour toutes la conscience du merveilleux système symbiotique de ces cellules, et se laisser guider par le collège infaillible du microbiote intestinal, afin que règne l'harmonie d'un organisme tendu vers un but inconnu de tous et qui semble piteusement défier l'entropie à la manière d'une érection qui s'essoufle face au vide. Ce deuxième cerveau -- sans ombre cette fois-ci -- me paraît digne d'intérêt du haut de sa toute puissante esthétique. La vraie société se trouve au fond des intestins, dans la machine dépourvue de fantôme.