mardi 21 juin 2016

Ecrire n'est pas penser

Ecrire n'est pas penser. Exprimer littérairement ses sentiments ce n'est pas ressentir. Ecrire déraille le cours des sentiments et pensées, écrire, c'est écrire voilà tout. Il n'y a pas de traduction instantanée du bruissement d'une vie intérieure, la forme est le fond, et dans chaque acte d'écriture il n'y a comme seul fondement qu'une volonté d'écrire.

J'ai longtemps rêvé le contraire, cru possible l'éclosion d'un sentiment dans la fleur d'un poème, fut-il sans poésie. J'ai souhaité ardemment que mon écriture épouse la fluidité de mes songes contemplatifs, lorsqu'ils ne sont troublés par nul objectif extérieur, lorsqu'ils reposent en eux-même, comme un flux totalitaire. Mais l'observateur agit sur l'observé, et dès lors qu'on cherche à saisir dans le filet des mots ces expériences, inexorablement elles deviennent autres, se dénaturent, et c'est alors l'écriture qui prend le relais.

Si l'on veut se faire le reflet d'une chose, il faut en accepter les conséquences: la nature étrangère du support reflétant, et l'anamorphose qui en résulte, image appauvrie, succédané de ce vers quoi nous tendons paradoxalement.

Stupide journal...