Que pourra bien dénouer le moment de ma mort, et qu'est-ce qui se dévesera au-dehors de ce sac d'impressions qu'est mon identité? Qu'arrivera-t-il lorsque, telle une particule, mon niveau d'énergie changera pour faire passer mon être dans un autre état? Rien ne se perd dans la nature, mais l'entropie défait les formes et que serais-je sinon une forme?
J'ai un peu de regret, par moments, lorsque je pense à cet instant où le cercle tendu de ma conscience souffrira d'une brèche qu'on nomme la mort, et que le réfléchissement centripète qu'est ma conscience s'inversera pour un mouvement centrifuge, éparpillant au reste du monde les fragments que je maintenais unis et fondus.
Tout se défera un jour, tout ce que j'aime aimé, et tout ce qui a constitué ma vie. Je verrai probablement mourir mes parents, puis des amis, les lieux que j'ai connu, certaines ambiances, et tout ceci ne tiendra plus que dans l'immatérialité du cimetière ambulant de ma conscience. Enfin je me verrai chuter lourdement dans la décrépitude de la vieillesse - ne me dîtes pas le contraire, je les ai vu les vieux de ma vie, je les ai vus partir et se voir partir... -, peut-être redeviendrai-je un croyant dogmatique (parce que je ne saurai plus penser avec suffisamment de rigueur et de puissance)... Si cela arrivait, je serai bel et bien mort.
Mais chaque seconde, chaque état de la conscience n'est-il pas une mort renouvelée, encore et encore?