J'étais mêlé moi aussi, dans ce fond d'histoire qu'est la nôtre, incorporé aux cendres du passé, résonant dans quelque écho du temps qui chante son passage dans les cris de toutes choses. Je sais désormais que tu es là toi aussi, le visage barbouillé de cette boue des amours fanés, qui ne le sont que parce qu'on les dit ainsi, et puis parce qu'on y croit aussi... Mais nous avons goûté la terre et celle-ci avait la même saveur qu'autrefois, avec la même douceur moelleuse de nos baisers. "Rien n'a changé" disais-tu: en vérité tout a changé, mais pour que quelque chose puisse changer, il faut qu'une autre demeure, sans vraiment toutefois rester identique.
Il y a toujours nous, comme deux grains de sables pétris par le ressac de l'existence, polis par les méandres d'un destin qui ne parle aucune langue. Et toi, tu cherches encore à comprendre, à ce que tout cela veuille bien dire quelque chose... Moi je regarde nos vies se faire, poésie silencieuse des destinées humaines, qui est sans pourtant être dîte.
Tout est bien je crois, si on le veut. Mais on ne veut jamais ce que l'on voudrait vouloir, effectués que nous sommes par une causalité trop profonde, insondable. L'aiguilleur, en ce qui nous concerne, aura été cruel, ou simplement maladroit... Je m'empêtre dans ton amour et toi dans la conscience que je suis et que tu poursuis comme un horizon lointain. Toi, tu sais être quelque chose, mais une conscience ça n'est rien, cela montre simplement ce qui est, cela témoigne de l'existence des choses depuis nulle part.
À qui en vouloir? À l'existence? À ce fleuve qui nous a fait rouler loin de l'autre, pour nous ramener là?
À qui en vouloir?
Puisses-tu être en paix, je n'en veux plus à personne.