J'entends si souvent les gens lancer de grandes phrases éculées dans la granularité de l'air: "il faut aller de l'avant" en est un exemple que chacun utilise lors d'un deuil, que ce soit celui de personnes que l'on a perdu ou bien celui de nos espoirs déçus. Ils partent, vont voir ailleurs et reviennent plein de cette certitude d'avoir évolué parce qu'ils ont vécu d'autres choses et ils appellent cela aller de l'avant. Faire un pas de côté n'est pas aller de l'avant. Abandonner est une chose simple, à chaque abandon pourtant ce ne sont pas des chaînes étrangères et aliénantes que nous quittons, mais nous-même que nous trahissons. J'ai appris au cours de ma courte vie à ne jamais abandonner, ni moi ni les autres. Aller de l'avant pour moi c'est se heurter mille fois à la difficulté, mille fois échouer et revenir frustré, fatigué voire blessé. Pourtant, je persévère et à la mille et unième fois, quelque chose arrive, je me suis étendu au-delà de ce que j'étais, ouvrant des possibles, faisant de mon être un ensemble propre à accueillir de nouveaux mondes auparavant inaccessibles et seulement rêvés. L'amour dans sa forme la plus générale, la moins déterminée, est le moteur de cette persévérance, de cette confiance en l'autre. Il y a des choses que j'aime au point de ne jamais les abandonner, continuant mon chemin par devers l'échec, portant ma souffrance à fleur de peau, la projetant dans chaque regard et chaque courbe de la pensée. Je continue d'avancer imperceptiblement lors même que l'obstacle semble me barrer la route inexorablement. Certains observateurs extérieurs pourraient facilement ne percevoir que stagnation et vain acharnement, pourtant, quelque chose chemine avec ma volonté jamais trahie, quelque chose marche dans l'ombre, dans les sous-sols du moi, d'antiques strates psychologiques se mettent en branle, sans bruit, jusqu'à la libération finale. Combien s'arrêtent avant cela, épuisés, impatients? Je continue ma route et me heurte à des obstacles infranchissables qui seront malgré tout franchis, par la force de ma confiance en l'humain, par l'amour que je porte en ces horizons que je contemple et chéris.
Ne pas abandonner, ni les gens ni soi-même; c'est ainsi que je vais de l'avant, dans ma curieuse trajectoire faite de retour en arrière qui n'en sont pas. Je ne rencontre jamais le même les gens que j'ai connu.