mercredi 3 octobre 2012

La cellule-mot

Il faut imaginer le langage comme un ensemble de cellules organiques. Visualisez le comme un système de cellules de peau vues au microscope: de grossiers ovales contigus dont l'étendue est limitée par les cellules adjacentes. Il suffit qu'une des cellules évolue: se dilate ou se contracte pour qu'immédiatement, l'ensemble du système s'adapte à cette modification: le système ne tolère pas le vide.

Il en va exactement de même avec le langage: les cellules sont des mots dont le sens est une forme que l'on peut se représenter comme une cellule organique pour plus de commodité. Connaître le sens d'un mot, c'est, en plus d'un jeu d'interaction avec le contexte, connaître son étendue au sein du système, savoir dans quel espace il est clos.

En effet, il est important de bien remarquer qu'un mot ne donne pas l'Idée ou l'essence de quelque chose. Le mot trace un contours, une zone délimitant du vide (pareil à la membrane d'une cellule à l'exception que cette dernière ne renferme pas du vide, quoi que...) et ainsi définit négativement l'essence ou l'Idée, cette dernière n'étant jamais donnée dans sa plénitude. Ce qui m'amène à dire cela c'est qu'un mot en lui-même ne donne rien d'autre qu'une étendue illimitée. Ce qui vient tracer ses frontières, c'est la définition, or cette définition est elle même faite de mots. D'où la comparaison avec notre système de cellules organiques: la cellule est définie par la place que lui laissent occuper les autres, sans elles, elle pourrait très bien grossir et couvrir une étendue de plus en plus importante.

En conséquence, ceci explique la poésie: le poète ne fait rien d'autre qu'étirer l'espace de définition des mots afin d'en détourner le sens, il étire le langage et joue avec l'espace de signification qu'il renferme. Et qu'est-ce qui permet précisément une telle créativité? Et bien le fait que les mot ne renferment que du vide: le mot ne donne pas la chose en soi, il n'est pas l'Idée ou l'essence. Il n'est que le signe annonciateur, d'une zone où l'on pourrait trouver cette essence, il veut la contenir. Probablement que la nature de cette essence, si elle existe vraiment, ne permet pas au mot de la saisir, c'est pour cela que le langage est un outil d'une formidable puissance et dans le même temps la source de tant d'erreur: il ne renferme que de l'incertitude, à tel point que l'on peut lui faire dire n'importe quoi: les poètes le font de la plus belle des manières, on pourrait dire en quelque sorte qu'ils agencent du chaos, qu'ils le mettent en forme.