dimanche 29 janvier 2012

La croyance n'est pas un sentiment

Tout jugement est arbitraire même s'il repose sur des codes bien définis. Ceux-là sont par définition arbitraires puisqu'ils reposent sur des axiomes qui ne sont rien d'autres que des croyances indiscutées et indiscutables. Ainsi, si le sentiment est une croyance en tant que jugement subjectif de la réalité, il n'en est pas de même de la croyance. Cette dernière ignore le sujet et veut toujours ériger une vérité objective. En cela la croyance n'est pas un sentiment car elle se veut par essence un absolu, un axiome sur lequel l'individu peut se reposer malgré les vacillations internes de son individualité.

Toutefois, la croyance peut accoucher d'un sentiment lorsque l'individu s'observe dans le reflet de lui-même que lui renvoie la croyance. Le sentiment naît alors du jugement que porte l'individu sur ce reflet. La croyance pour devenir sentiment doit alors toujours se dédoubler: la vérité objective doit être posée (observée) par l'individu que cette vérité éclaire à son tour selon la tonalité du sentiment. C'est l'individu lui-même qui règle, en fonction de ses croyances du moment, les nuances de cette tonalité. La croyance en elle-même part d'un mouvement opposé, à savoir que l'individu qui croit initie un processus de scission entre son moi (qui a besoin d'un témoin extérieur et absolu pour poser son existence et la maintenir hors du chaos) et la réalité (qui à la base rappelons-le ne font qu'un) dans le but de n'être justement pas soumis aux fluctuations de son être qui peuvent s'exprimer dans les sentiments. L'individu qui croit tente de fixer un cadre qui formera en quelque sorte un univers indépendant de lui-même et objectif et qui va devenir le fondement de son existence. La croyance est donc précisément une tentative d'échapper aux sentiments et à leur subjectivité chaotique. Par conséquent si l'on veut l'assimiler à un sentiment, ce ne peut être qu'à un sentiment inconscient (ce qui constitue un paradoxe) et donc en vérité à une émotion (voir la thèse contre la naturalité des sentiments pour comprendre la distinction entre émotion et sentiment). Cependant la croyance ne naît pas des profondeurs de la génétique (comme les émotions) mais elle est bel et bien une réaction de la conscience face à la réalité. Elle est en quelque sorte un jugement qui se nie, un mensonge consenti dans lequel la conscience accepte de nier une partie d'elle-même afin de l'ériger en vérité extrinsèque et absolue.