vendredi 19 septembre 2008

Hiver

A chaque coup de crayon sur le papier, j'essuie les pensées qui perlent à mon front, je les balaie d'un revers de la main. Elle coulent, coulent, coulent, elles ruissellent sur ma conscience, à tel point que j'en suis aveuglé, je ne vois plus qu'elles, une bouillie informe qui m'obstrue l'horizon. Le monde extérieur n'est plus qu'une lueur qui filtre à travers ces gouttes translucides, il forme un arc en ciel dont chaque couleur est une tonalité du doute, sa courbe celle d'un point d'interrogation.

Tournent, tournent, tournent les pensées, les oiseaux pensées dans ma tête, plus besoin d'alcool ni de drogue, je m'enivre de ce balai incessant, quand bien même je tourne la tête il est encore là, dansant devant mes yeux fatigués, c'est mon monde, et chaque direction me le dévoile.

Mes oreilles ne servent plus à rien, j'ai perdu l'ouïe, tout assourdi que je suis par cette cacophonie intérieure, mon crâne abrite un orchestre qui interprète un répertoire infini, qui improvise à l'improviste, sans fin qui fait valser les questions, les assertions et les résolutions.

Je ne connais pas le repos, je n'ai pas le pouvoir d'arrêter ce manège enchanté, et maudit à la fois. Je ne suis que pur esprit éthéré baignant dans l'encre d'une photo, autour de moi le décor ne change pas, je suis coincé parmi les pensées couchées sur papier glacé. Je ne fais que sauter d'image en image créant ainsi l'illusion du mouvement, c'est moi maintenant qui suis seul dans cette course effrénée dont les règles m'échappent.

Je tente vainement de m'accrocher à ces étoiles filantes qui ne font qu'éclairer le ciel brièvement, laissant une cicatrice diffuse bien vite pansée par le vide. Ces vies minuscules qui courent après leur mort ne veulent pas de moi, ou peut-être est-ce moi qui n'y met pas vraiment le coeur.

Ah comme j'ai froid maintenant, dés que j'enlève un habit, des griffes féminines viennent écorcher ma peau et le vide glacé s'y engouffre aussitôt faisant pleuvoir milles douleurs sur ma conscience, venant ainsi abreuver cet arbre de malheur, ce désespoir qui refleurit à la moindre goutte d'effroi, au moindre rayon de tristesse.

Mais tout ça n'est qu'une partie du cycle, chaque chose a son opposé, laissons maintenant opérer la seconde partie du processus, que le second couplet commence et adieu hiver précoce!