mardi 24 juin 2008

L'Afrique

On quitte un pays un peu comme on quitte une femme. Soit c'est elle qui prend la décision, soit c'est nous, en tout cas c'est rarement d'un commun accord que les choses se passent.

Vendredi moi c'est une ville que je vais quitter. C'est moi qui ait décidé. Je pense qu'une infime partie d'elle ressentira cette perte, la reste n'en aura cure. Et moi? et bien je reprend la route, solitaire. Je traîne mes pieds vers des contrées plus familières, vers une terre plus accueillante. Oh bien sûr j'aurais quelques regrets, on ne mesure vraiment ce que l'on avait qu'une fois qu'on l'a perdu. Mais c'est avec excitation que je me lance à l'abordage d'autres ventres chaleureux où faire mon nid, où me blottir.

J'ai bien conscience que ce n'est qu'un passage, qu'une transition dans ma vie. En effet, chaque jour je le ressens de plus en plus fort. Les tams-tams de l'Afrique font battre mon coeur en rythme, les chants résonnent dans mon âme. L'Afrique...le berceau. Comme une vieille conquête qui nous aurait quitté sur un malentendu, à notre insu. C'est comme une femme douce que l'on a aimé et qui nous a rendu ivre, qui nous a réchauffé jour après jour, alimentant
des journées trop courtes en bonheur à l'état brut. Vous connaissez certainement cette sensation, celle d'avoir perdu la femme de votre vie. Ce n'est pas forcément celle qui nous ressemble le plus en apparence, les différences de quelqu'un ne sont que les anfractuosités d'une pièces de puzzle où vous pouvez venir vous emboîter harmonieusement.

J'ai aimé cette femme, l'Afrique. J'ai aimé la femme Afrique, la grande femme girafe à l'odeur épicée et la peau sucrée. J'ai aimé aussi l'Homme Afrique, ce grand guerrier dansant autour d'un feu et chantant avec ses frères. On dit qu'il ne faut pas retourner sur les lieux de son passé. Si c'est vrai alors je suis mal barré puisque je fais tout l'inverse. Oh ce ne sera pas la première ni la dernière fois que j'avancerais en sens interdit, j'ai besoin de comprendre pourquoi c'est interdit
avant d'accepter cet état de fait.

En tout cas l'Afrique m'ensorcelle, tantôt riche, tantôt pauvre, tantôt fière, tantôt honteuse mais toujours déterminée à chasser le bonheur, pour le partager autour d'un feu avec les siens: les humains. Je me sens lié à ce continent, mon bonheur n'a pas de location géographique mais il est
des contrées où il aime pâturer. Des voix résonnent dans ma tête, des visages noirs peinturlurés de blanc, des corps nus drapés de rouge, des yeux féroces emplis de fraternité m'obsèdent. Tel un rythme lancinant, je me laisse porter par cet appel, j'en frissonne de plaisir à mesure que l'évidence s'impose: Si l'Afrique était une guerrière, ce serait ma mère. Si l'Afrique était une femme, ce serait la mienne. Si l'Afrique était un bébé, ce serait ma fille.