samedi 28 septembre 2019

L'idée de l'infini

Peut-être y a-t-il quelque beauté à être cet enchevêtrement mobile de carrefours, pierre au poudroiement stellaire où la trajectoire de chaque étoile figure un destin possible. Tout en moi crépite. Dans le non-être qui rend possible frémissent tant d'envisageables accomplissements. J'ai forgé et fourbi tant de ces lames de puissances, acquis tant de techniques, revêtu tant de peaux différentes, de visages et de formes d'âmes, que je suis désormais cette boule métamorphe parcourue de déformations incessantes, bulles à la surface d'une sphère qui enflent et désenflent. Je suis le signe du possible même, de la puissance. Celui qui porte sur moi le regard n'y voit que la somme indécente de ce que je pourrais faire, et jamais ne fait, mais, pour cette raison précise, réalise alors dans l'absolue perfection. Dans chaque âme qui me juge, je suis l'accomplissement parfait de l'idée qu'ils se font d'une de mes capacités. Dans cette idée, il n'y a ni déception, ni labeur. Tout est déjà là, achevé et plein, fini d'infinité.

Pourtant, moi, être social et mondain, je reste insaisissable, lacunaire et sans substance. Tout est dans les signes d'un curriculum vitae, le nom de compétences, l'idée de savoirs, toute la consistance atomique réside dans ce noyau éthéré d'histoires cousues de sons. Je passe, boule qui se déforme et frustre à jamais l'attente des badauds qui souhaiteraient tant la voir prendre forme et se matérialiser enfin dans l'achèvement concret d'une promesse exquise.

En tant que regard porté sur moi, je suis aussi ce badaud à la mine déconfite, perplexe et qui attend sans relâche qu'advienne quelque chose. Mais la chose est là, pâte qui se transfait, où chaque état n'est qu'anticipation frustrée d'un autre résultat, de voir enfin unifié en un objet fini, l'au-delà de l'horizon, l'idée de l'infini.

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